YouTube : Une pandémie de désinformation sur le Covid-19, un constat alarmant... - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - High-Tech | Par Eva | Publié le 22/05/2020 07:05:24

YouTube : Une pandémie de désinformation sur le Covid-19, un constat alarmant...

Plus d’un quart des vidéos les plus regardées sur YouTube contiennent des informations trompeuses sur la maladie Covid-19.

Tel est le sombre constat que dressent des chercheurs canadiens au terme d’une étude, menée en mars  , qui a consisté à analyser le contenu des 150 vidéos en anglais les plus visionnées sur la maladie due au coronavirus SARS-CoV-2. Postée le 20 avril sur l’espace de prépublication de la revue The Lancet, il s’agit de la première étude évaluant la pertinence et la qualité des vidéos YouTube les plus vues pendant la pandémie de Covid-19.

On le sait, plus de 70 % des adultes surfent sur Internet pour y rechercher des informations en matière de santé et de médecine. A ce titre, YouTube, site web d’hébergement de vidéos et média social, est une source majeure d’information, utilisée par plus de deux milliards d’internautes à travers le monde.

Des études ont montré que la célèbre plateforme web vidéo avait diffusé des informations erronées lors de précédentes crises sanitaires, telles que la pandémie de grippe H1N1, l’épidémie de virus Ebola et celle liée au virus Zika. Ces travaux ont révélé qu’environ un quart des vidéos YouTube consacrées à ces pathologies, la plupart postées par de simples utilisateurs, véhiculaient de fausses informations.

Compte tenu de l’importance de diffuser des informations médicales pertinentes, utiles et fiables, trois chercheurs de la Faculté de médecine de l’université d’Ottawa et du département des sciences médicales de l’université Carleton (Ottawa) ont conduit, fin mars 2020, une étude évaluant la véracité, l’utilité et la qualité de la plupart des vidéos YouTube concernant la pandémie Covid-19.

Ces chercheurs ont visionné, de façon indépendante, 150 vidéos en langue anglaise. La pertinence et la qualité de chaque vidéo a été évaluée en utilisant des versions modifiées de deux outils permettant d’identifier avec une spécificité élevée des sites internet de qualité, l’un britannique, l’autre reposant sur des critères établis par l’Association médicale américaine.

Par ailleurs, afin de juger de l’utilité des vidéos pour un utilisateur moyen, les chercheurs ont créé un score spécifique sur un total de 5 points (Covid-19 Specific Score ou CSS). Un point a ainsi été attribué selon que la vidéo contenait des informations sur la transmission du coronavirus, sur les symptômes, les stratégies de prévention, les traitements potentiels, l’épidémiologie de la maladie Covid-19.

Sur les 150 vidéos visionnées, 69 ont été retenues pour analyse. Les séquences exclues l’ont été car il s’agissait de doublons, de vidéos dans d’autres langues que l’anglais, d’une durée de plus d’une heure ou ne comportant pas de bande son.

69 vidéos totalisant plus de 268 millions de vues

Au total, ces 69 vidéos ont totalisé près de 268 millions de vues. Elles ont été classées en huit catégories : vidéos postées par un ou plusieurs individus n’appartenant pas à une organisation professionnelle (22 %), par des personnes travaillant au sein d’une structure professionnelle (7%), d’extraits d’émissions télé de divertissement (21 %), de séquences diffusées par de chaînes d’information (29 %), de vidéos diffusées sur des sites internet d’informations (12 %), des sources gouvernementales (2 %), le site web de journaux (5 %), des sites éducatifs destinés aux étudiants ou au grand public (2 %).

Enfin, environ 75 % des 69 vidéos inclues dans l’étude contenaient uniquement des informations factuelles. Dix-neuf d’entre elles (environ un quart) contenaient des informations non-factuelles et totalisaient plus de 62 millions de vues.

Sous-représentation des sources gouvernementales et professionnelles

Les vidéos provenant de sources gouvernementales et professionnelles ne contenaient que des informations factuelles. Comme on pouvait s’y attendre, celles-ci ont obtenus de meilleurs scores CSS que celles postées par des individus lamba. De même, leurs scores de qualité mDISCERN et mJAMA étaient meilleurs que les vidéos de simples internautes et d’émissions de divertissement. Leurs scores DISCERN étaient supérieurs à ceux des sites d’information en ligne. Par ailleurs, le niveau d’utilité des vidéos gouvernementales et professionnelles était significativement supérieur aux vidéos postées par de simples internautes, des sites d’information ou correspondant à des séquences d’émissions de divertissement..

Concernant les vidéos contenant des informations non factuelles, celles-ci peuvent relayer des contre-vérités et « fakenews » du style : « le coronavirus ne touche que les gens immunodéprimés, atteints de cancer et les personnes âgées », « une souche plus virulente circule en Italie et en Iran », « les firmes pharmaceutiques ont un remède mais ne le vendent pas, donc tout le monde meurt ».

D’autres vidéos véhiculent des recommandations à destination du grand public (« des experts recommandent de faire des stocks de plusieurs mois de nourriture pour bébés et de biberons en cas de pénurie »), des déclarations racistes ou discriminatoires (« virus chinois »), ou encore des théories du complot (« le monde est contrôlé par une secte qui veut contrôler le monde.

Elle représente 1 % de la population et utilise une force souterraine pour contrôler les gens. Cette secte utilise les médias grand public pour raconter des versions préfabriquées d’une histoire afin de provoquer la peur et ainsi contrôler les gens. Le coronavirus est un exemple de l’une de ces tactiques de contrôle. Il s’agit de contrôler l’économie pour détruire les petites entreprises »).

Un constat « alarmant »

L’étude montre que les vidéos non factuelles véhiculent des thèses conspirationnistes, des faits inventés, des recommandations inappropriées et des déclarations discriminatoires. « Cela est particulièrement alarmant, si l’on considère l’immense audience de ces vidéos. De toute évidence, alors que le pouvoir des médias sociaux réside dans le volume et la diversité des informations produites et diffusées, cela peut avoir un impact néfaste significatif », écrivent les auteurs.

Heidi Oi-Yee Li et ses collègues estiment qu’outre attiser la peur et le racisme, cette prolifération de mésinformation peut entraîner des comportements inappropriés et dangereux, tels que la ruée sur le papier toilette ou le vol de masques. Et d’ajouter : « Cette mésinformation empêche la diffusion d’informations précises sur la pandémie, ce qui entrave les efforts des responsables de la santé publique et des professionnels de santé pour lutter contre la pandémie ».

Étant donné que les professionnels et les pouvoirs publics fournissent un contenu de la plus haute qualité, les chercheurs estiment que ces groupes devraient développer des stratégies pour augmenter l’audience et l’impact de leurs vidéos en nouant des partenariats avec des producteurs de chaînes YouTube populaires ou des professionnels de l’information.

Il reste maintenant à conduire une étude comparable sur les vidéos diffusées en français et consacrées au coronavirus SARS-CoV-2 et à la maladie Covid-19, aussi bien sur YouTube que sur Dailymotion. Mais également à s’intéresser aux contenus diffusés sur d’autres réseaux sociaux, tels que Twitter, Instagram ou Facebook, afin de mieux cerner l’impact d’informations déformées, incomplètes, erronées ou falsifiées.

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