Des femmes dénudées et battues par des miliciens : Les raisons ! - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Insolite | Par Eva | Publié le 09/02/2023 01:02:15

Des femmes dénudées et battues par des miliciens : Les raisons !

Dans la province du Maniema, dans l’est de la République démocratique du Congo, des populations sont visées par des attaques menées par les milices maï-maï Malaïka, originaires de la région.

Depuis le 20 janvier, des vidéos publiées sur les réseaux sociaux montrent ces miliciens fouetter des jeunes filles, des femmes et aussi des hommes, dans le district de Salamabila. Selon des témoignages, ils reprochaient à ces femmes de porter des jupes trop courtes.

Ce groupe de miliciens maï-maï Malaïka, dirigé par un dénommé Sheik Kabala Selemani, sévit surtout dans le territoire de Kabambare, dont fait partie le district de Salamabila.

Les vidéos ont émergé sur les réseaux sociaux le 22 janvier, mais les faits remonteraient à fin décembre début janvier, selon des témoignages recueillis par notre rédaction, et se sont déroulés dans village de Machapano, à environ 17 kilomètres du district de Salamabila

Sur ces images, quatre vidéos au total, on voit des miliciens armés de bâtons traîner des jeunes filles et des femmes par terre, les battre et les dénuder. Sur une vidéo, on les voit maintenir un homme de force au sol, avant de le rouer de coups.

Les images étant violentes, nous avons décidé de n’en publier que des captures d’écran.

Des militantes de l’ONG “Femmes Leaders de la province du Maniema” ont tenu un rassemblement, le 24 janvier dans la capitale provinciale Kindu, pour demander au président congolais Félix Tshisekedi d’accélérer la mise en œuvre du programme « Désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et réinsertion » (DDRC-S), censé désarmer les groupes armés et les réintégrer à la société.

« Ils ont commencé à s’en prendre à des femmes qui portaient des robes et des jupes courtes ou des pantalons »

Stéphane Kumundala, président de la société civile du Maniema, estime que face à l’impuissance de l’État à assurer la sécurité de la population, la seule solution serait de négocier avec cette milice.

Fin novembre, le nouveau chef de la milice Maï Maï Malaïka, Sheik Kabala Selemani, a fait passer un message sur une radio locale – et il a aussi circulé sous forme de message vocal sur les téléphones – expliquant que la décision avait été prise par sa milice de ne plus voir les femmes porter des robes et des jupes courtes et des pantalons.

Et dans le courant des mois de décembre et janvier, ils ont commencé à s’en prendre à des femmes qui portaient ce genre de tenue et à leur administrer des coups de fouet.

Une jeune femme et une autre plus âgée sont toujours à l’hôpital à Salamabila, elles ne sont pas prises en charge conséquemment, il n’y a pas le nécessaire pour les soigner. La jeune fille a d’importantes plaies aux fesses notamment.

Dans cette partie du Maniema, ce sont les Maï Maï Malaïka qui font la loi, il n’y a pas d’État. Ils tiennent tout le territoire de Kabambare. Donc quand ils décident de quelque chose, tout le monde se soumet. Ces milices exploitent désormais artisanalement les concessions minières laissées vacantes après le départ de la société [aurifère canadienne, Banro]. Ils font des barrages sur les routes et font payer les véhicules qui passent.

En tant que société civile du Maniema, nous avons déjà tenté de négocier avec cette milice. Nous voulons la paix. Nous voyons que l’État, l’armée, ont été impuissants face à cette violence, donc la seule voie qui reste c’est de les inciter à se rendre. À un moment donné, il faut leur tendre la main et leur dire de se rendre et déposer les armes. Mais eux, en échange, ont des conditions, certains veulent être réintégrés dans l’armée avec leur grade, d’autres avoir la garantie d’un emploi s’ils retournent à la vie civile.

L’émergence de cette milice est liée à l’arrivée dans la zone du groupe canadien Banro Corporation, en 2014, pour exploiter des minerais. Lorsque cette société s’est installée, elle a signé un cahier des charges où elle s’engageait auprès avec la population à mener des projets de développement, tels que la construction de routes et d’écoles. Selon les activistes locaux, des habitants ont estimé que la société n’avait pas tenu ses promesses, la population a commencé à protester, et a tenté des actions en justice qui n’ont pas abouti. Ce contexte a contribué à l’émergence de la milice maï-maï Malaïka.

« La milice soumet les habitants à une forme de servitude »
Joseph [pseudonyme] est président d’une ONG de défense des droits de l’homme dans le Maniema, qui ne peut plus mener d’actions dans le territoire Kabambare à cause de la milice maï-maï.

Nous étions en train de mettre en œuvre des projets dans la zone, mais à cause de ce qui s’est passé, nous ne pouvons pas y aller car c’est cette milice qui fait la loi dans ce territoire, et elle s’en prend à tous ceux qui ne sont pas d’accord avec leurs actions.

Et compte tenu du contexte sécuritaire, tous nos animateurs locaux sont partis à Kasongo, qui est le territoire voisin.

« Des personnels de la société minière ont été kidnappés »
La milice, dont les membres sont issus de la population locale, est apparue dans le contexte où les habitants se sentaient délaissés [suite au non respect, selon eux, du cahier des charges par la société minière, NDLR]. La milice a réclamé l’exploitation d’une partie de la colline Mwendamboko, qui surplombe la concession de Banro, pour qu’elle procède à l’exploitation artisanale de l’or. Elle a mené des actions contre le personnel de l’entreprise, des kidnapping d’employés expatriés, en 2017 et 2019.

Le quartier général de la milice était dans la brousse. En juillet 2018, il y avait eu des négociations avec le gouverneur de la province, ils avaient accepté de sortir et étaient retournés un temps dans les villages.

Et là il y a une forme de cohabitation avec les services de l’État, mais c’est la milice qui impose sa loi car ses membres sont nombreux et parfois mieux armés que les militaires FARDC (Forces armées de la République Démocratique du Congo). Et puis, au lieu de s’en prendre uniquement à Banro, comme c’était le cas auparavant, elle a commencé à s’en prendre à des particuliers, ceux qui ne la soutiennent pas.

À Salamabila règnent en fait deux administrations parallèles. Les agents de l’État, comme la police qui est mal équipée, et la milice qui régente la vie publique. Celle-ci ordonne aux habitants d’effectuer des travaux d’entretien dans des localités. Elle les soumet à une forme de servitude. Elle collecte aussi des fonds auprès de la population pour l’entretien des routes notamment.

Parfois, ses membres portent les mêmes tenues que les militaires.

La plupart des membres de cette milice sont musulmans. Mais le fait qu’ils veulent appliquer la charia [loi islamique] semble nouveau.

Samedi 21 janvier, le gouverneur du Maniema, Afani Idrissa Mangala, a réitéré sa demande aux miliciens à mettre fin à leurs activités, et à déposer les armes.

Invoquant des raisons de sécurité, le groupe minier Banro a annoncé en juin 2020 la vente de sa concession au Maniema à l’entreprise Shomka Resources, à majorité détenue par un groupe chinois.

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