Le Mali s’apprête-t-il à suivre la voie empruntée par ses voisins du Niger et du Burkina Faso, où les partis politiques ont été rayés du paysage sur décision des juntes au pouvoir ? C’est en tout cas la crainte exprimée par une grande partie de la classe politique malienne, alors que s’est ouverte hier, à Bamako, la phase nationale des concertations sur la relecture de la Charte des partis politiques.
Objectif officiel : réduire leur nombre et encadrer leur financement. Mais pour beaucoup, cette initiative sonne comme un glas.
Signe d’un basculement ou simple volonté de réforme ? Les autorités de transition veulent impliquer les « forces vives » – une expression désormais centrale dans le langage institutionnel – parmi lesquelles les autorités religieuses, traditionnelles et la diaspora, dans ce qui est présenté comme une refondation politique. Mais derrière cette façade participative, la méfiance est palpable.
Depuis plusieurs semaines, les leaders politiques multiplient les dénonciations. Ils y voient une mise en scène orchestrée pour les écarter définitivement du jeu démocratique. Un « complot » visant à délégitimer toute opposition structurée. Le débat, relayé dans la presse nationale, est désormais frontal.
Le quotidien L’Aube se fait l’écho d’une critique virulente à l’égard des partis : « Curieux que ceux qui crient au complot soient les mêmes qui ont profité pendant des décennies de milliards destinés à la formation civique de la population, sans en voir les résultats. » Le journal pointe un système de détournements généralisés et d’échecs accumulés, qui aurait discrédité la classe politique traditionnelle. Pour L’Aube, le bilan est sans appel : ces partis, censés éduquer le peuple aux valeurs républicaines, n’ont semé que désillusion.
Même tonalité du côté de Sahel Tribune, qui dépeint une classe politique rongée par « les magouilles, les mensonges et la connivence avec les prédateurs économiques ». Le média en ligne décrit un peuple trahi par ceux qui promettaient démocratie et développement, mais qui ont fini par ériger une oligarchie bien plus préoccupée par ses privilèges que par l’intérêt général. Pour Sahel Tribune, donner la parole aux citoyens pour repenser l’avenir des partis est une nécessité.
Mais d’autres voix s’élèvent pour dénoncer une dérive inquiétante. Le média Arc-en-ciel, cité par le site Malijet, alerte sur « la mise en sourdine du débat démocratique » et les restrictions croissantes des libertés. La volonté de repenser les partis est légitime, concède-t-il, mais elle ne saurait justifier une élimination autoritaire de la scène politique. Le risque est grand, prévient Arc-en-ciel, de provoquer une nouvelle crise, cette fois institutionnelle.
Cette lecture inquiète trouve un écho au-delà des frontières maliennes. En Guinée, le site Ledjely fustige une opération de « désertification politique » menée au nom d’un populisme militarisé. « Personne n’est dupe », écrit le média, en dénonçant le rôle prépondérant accordé à des « forces vives » dont la représentativité est sujette à caution. Pour Ledjely, il s’agit là d’un schéma désormais bien connu dans la sous-région : faire passer les partis politiques pour les boucs émissaires, afin de légitimer les régimes issus de coups d’État.
Alors que la Transition malienne poursuit son cours, la relecture de la Charte des partis politiques s’annonce comme un moment charnière. Entre les appels à la refondation et les soupçons de confiscation du pouvoir, le pays se trouve à la croisée des chemins. Réformer pour mieux reconstruire ou réduire au silence toute opposition : la frontière est mince, et les conséquences pourraient être lourdes. Car, au-delà du Mali, c’est tout l’avenir de la démocratie dans la région sahélienne qui semble suspendu à ces choix.
Article écrit par : Maimouna Ngaido
Mis en ligne : 29/04/2025
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