Ira ? Ira pas ? La question agite la scène politique ivoirienne depuis plusieurs semaines. Alassane Ouattara, 83 ans, entretient habilement le suspense quant à une potentielle candidature à l’élection présidentielle d’octobre 2025. Le chef de l’État sortant, à la tête du pays depuis 2011, n’a pas tranché, laissant son parti et l’opinion publique dans l’attente.
Ce week-end, lors du 2ᵉ congrès ordinaire du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), les cadres du parti au pouvoir ont clairement affiché leur volonté de voir leur leader rempiler pour un quatrième mandat. La grand-messe politique s’est tenue dans l’enceinte symbolique du stade olympique Alassane Ouattara d’Ebimpé, où des milliers de militants attendaient un signal fort du président. Mais ils sont repartis avec une simple promesse de réflexion.
« S’agissant de ma candidature à l’élection présidentielle, je vous ai écoutés et compris. Je prendrai, dans les prochains jours, une décision après mûre réflexion », a déclaré le chef de l’État, cité par Fraternité Matin.
Pour de nombreux observateurs, cette déclaration ne fait que raviver un scénario déjà vu. En 2020, Alassane Ouattara avait maintenu le doute jusqu’à l’annonce surprise de sa candidature, invoquant alors des circonstances exceptionnelles liées au décès de son dauphin désigné, Amadou Gon Coulibaly. Cette fois encore, le flou semble calculé, selon Le Point Sur, qui voit dans cette mise en scène une manière de faire croire à une investiture dictée par la base militante.
Mais l’atmosphère n’est plus la même. En 2025, la lassitude gagne du terrain. L’économie peine à redémarrer, le chômage des jeunes explose, et les tensions sociales restent vives. Dans les rues d’Abidjan comme dans les cercles d’intellectuels, un même refrain : non à un quatrième mandat.
Pendant ce temps, le paysage politique de l’opposition semble à la fois affaibli et en recomposition. L’ex-président Laurent Gbagbo, toujours populaire auprès d’une frange de l’électorat, est inéligible. Son ancien bras droit, Charles Blé Goudé, l’est également. Guillaume Soro, figure de l’ancienne rébellion, vit en exil, condamné à la prison à vie en Côte d’Ivoire. Tidjane Thiam, figure émergente du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), est lui aussi écarté de la course pour avoir tardé à renoncer à sa nationalité française.
Malgré ce tableau peu reluisant, certains signes montrent une volonté de résilience. Tidjane Thiam et Laurent Gbagbo ont scellé récemment un accord politique lors d’une rencontre à Bruxelles, donnant naissance à un front commun entre le PDCI et le PPA-CI. Une alliance qui redessine les équilibres, même si elle suscite déjà des frictions avec d’autres regroupements d’opposition comme la CAP-CI, coalition lancée quelques mois plus tôt.
Pour Afrik.com, il ne faut pas enterrer trop vite l’opposition. L’alliance Gbagbo-Thiam pourrait incarner une alternative crédible, à condition de réussir à structurer une stratégie commune et mobiliser les électeurs.
La question de la candidature d’Alassane Ouattara devient d’autant plus pressante que le calendrier électoral se précise. La collecte des parrainages débute le 1er juillet, et les dossiers doivent être déposés avant le 26 août auprès de la Commission électorale indépendante (CEI). À moins d’un assouplissement ou d’une relecture des délais, toute entrée en lice tardive pourrait s’avérer risquée, même pour un président sortant.
Dans ce contexte tendu, le silence d’Ouattara devient un message en soi. Calcul politique ou réelle hésitation ? Le pays retient son souffle, à l’orée d’une élection présidentielle qui s’annonce comme l’une des plus incertaines de son histoire récente.
Article écrit par : Mariama Ba
Mis en ligne : 24/06/2025
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