Dans son message à la Nation du 31 décembre 2024, le président Bassirou Diomaye Faye a annoncé que l’appel à candidature pour certains postes publics, longtemps promis, sera finalement lancé au premier trimestre de 2025 à travers une plateforme nommée Ligeeyal sa reew. Cette initiative, selon le chef de l’État, vise à permettre à tous les Sénégalais, y compris ceux de la diaspora, de soumettre leur candidature aux postes publics en compétition ou de proposer des projets d’investissement. Si cette annonce pourrait paraître progressiste, elle soulève surtout de sérieuses interrogations.
Le contexte dans lequel s’inscrit cette annonce est celui d’un peuple désabusé par des décennies de nominations clientélistes, de promotions opaques et de promesses jamais tenues. L’arrivée de Bassirou Diomaye Faye au pouvoir avait suscité un espoir de rupture.
Pourtant, cette plateforme soi-disant révolutionnaire arrive sans aucun détail concret sur les modalités du processus : quels seront les critères objectifs de sélection ? Qui composera le comité chargé d’évaluer les candidatures ? Quels mécanismes garantiront l’impartialité du processus ?
L’appel à candidatures aux postes publics n’a de sens que s’il repose sur des garanties solides d’équité. Or, aujourd’hui, rien ne nous est présenté sur le fonctionnement du comité de sélection, ses membres, ses compétences ni sa légitimité. Comment croire en la transparence si les règles du jeu sont floues et laissées à la discrétion du pouvoir exécutif ?
Le Bureau Organisation et Méthode, chargé de « travailler à l’identification des postes clefs », semble lui-même être un acteur obscur du dispositif. S’agit-il d’un organe indépendant ou d’une simple prolongation de la volonté présidentielle ? Ce flou alimente la méfiance légitime des citoyens. Le risque est grand de voir cette plateforme devenir une vitrine numérique pour légitimer des choix déjà faits en coulisses.
En comparant cette initiative à des processus similaires dans d’autres pays africains, on observe les mêmes failles : au Bénin ou en Côte d’Ivoire, les plateformes de recrutement public n’ont souvent été qu’un vernis démocratique sur des systèmes clientélistes inchangés. Même en France, la nomination à des postes dits “ouverts” reste sujette à la cooptation déguisée. Le Sénégal ne fera pas exception si des garde-fous stricts ne sont pas immédiatement mis en place.
Cette mesure, présentée comme une révolution, pourrait très vite se muer en outil de légitimation des nominations partisanes. Elle donne au pouvoir exécutif un levier supplémentaire pour donner l’apparence de la méritocratie tout en perpétuant le favoritisme. Sans publication des critères de sélection, sans contrôle indépendant, sans recours possible pour les candidats recalés, Ligeeyal sa reew ne sera qu’un gadget politique de plus, destiné à amadouer une jeunesse avide d’opportunités mais manipulée par l’illusion d’un système ouvert.
Il ne suffit pas de promettre la transparence : encore faut-il la prouver. Les citoyens doivent exiger la publication immédiate des règles de fonctionnement de cette plateforme, la composition du comité de sélection, la nature des postes ouverts, et les garanties d’indépendance du processus. Il faut sortir du piège de l’habillage technologique pour demander des réformes structurelles profondes. Le Sénégal mérite mieux qu’un trompe-l’œil numérique : il a besoin d’un État véritablement juste et équitable.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Mouhamadou Ba.
Mis en ligne : 28/06/2025
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