Le général Mamadi Doumbouya, auteur du coup d’État de septembre 2021 à Conakry, vient d’achever une tournée médiatisée à Abidjan où il a loué « la stabilité politique » comme socle du développement. Entendre un putschiste vendre la « stabilité » relève de la provocation et masque trois ans de dérive autoritaire en Guinée.
En 2022, le chef de la junte promettait un retour à l’ordre constitutionnel sous deux ans. Trois ans plus tard, aucune élection n’a eu lieu ; pire, la date‑butoir du 31 décembre 2024 fixée par la CEDEAO a été balayée d’un revers de manche. Ce n’est qu’en avril 2025 que le pouvoir militaire a annoncé un référendum constitutionnel le 21 septembre, prélude incertain à des législatives et à une présidentielle repoussées à décembre 2025, si elles se tiennent un jour.
Derrière la rhétorique lisse d’Abidjan, le régime gouverne par la matraque : Human Rights Watch recense au moins neuf morts, dont quatre enfants, lors des manifestations de 2024 ; la plupart n’étaient même pas des protestataires actifs. Amnesty International dresse un bilan macabre d’au moins 47 manifestants tués depuis le putsch. En parallèle, la junte a suspendu les principaux partis d’opposition et bâillonné les médias critiques, vidant d’avance tout scrutin de sa substance démocratique. Où est donc la fameuse stabilité ?
Promesses bafouées : La transition devait durer 24 mois ; elle est désormais illimitée, rythmée par des annonces sans calendrier contraignant.
Répression sanglante : L’usage récurrent de balles réelles contre des foules désarmées révèle un pouvoir qui confond maintien de l’ordre et terreur d’État.
Déséquilibre institutionnel : Le projet de Constitution rallonge le mandat présidentiel à sept ans, ouvre la porte à un Sénat désigné et laisse planer la possibilité d’une candidature Doumbouya, l’inverse d’un retour à la souveraineté populaire.
Curée économique : Certes, la croissance tirée par la bauxite a atteint 5,7 % en 2023, mais sans contrôle citoyen, ces revenus profitent à un cercle militaro‑affairiste verrouillé.
L’argument de la « stabilité par les armes » est le refrain préféré des juntes sahéliennes. Au Mali, le colonel Assimi Goïta s’est également autoproclamé garant de l’ordre après avoir renversé un gouvernement civil. Au Burkina Faso, Ibrahim Traoré a prorogé sa transition jusqu’en 2029, tandis que les morts liés aux groupes armés ont triplé. Même scénario au Niger, où la junte a suspendu la Constitution et muselé les universitaires dissidents. Partout, la « stabilité » martelée sert à camoufler l’érosion des libertés fondamentales et l’allongement indéfini des transitions.
La visite d’Abidjan n’était qu’un exercice d’autopromotion ; elle ne saurait faire oublier les exactions, les échéances non tenues et la confiscation du débat public en Guinée. Refuser cette imposture, c’est rappeler qu’aucune stabilité durable ne naît d’un fusil pointé vers le peuple. Le général Doumbouya doit rendre le pouvoir aux civils, sans conditions ni délais supplémentaires.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Cheikh Dieng.
Mis en ligne : 30/06/2025
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