Un coup de maître géopolitique : La RDC reprend le contrôle de son cobalt - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Afrique | Par Eva | Publié le 10/10/2025 01:10:00

Un coup de maître géopolitique : La RDC reprend le contrôle de son cobalt

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En annonçant l’instauration de quotas stricts sur les exportations de cobalt, la République démocratique du Congo (RDC) vient de franchir une étape historique. Après des décennies de pillage et de dépendance aux caprices des marchés internationaux, le premier producteur mondial de cobalt, métal essentiel à la transition énergétique, décide de reprendre le contrôle de son destin économique. Cette mesure, souvent critiquée pour son caractère restrictif, mérite au contraire d’être saluée comme un acte de souveraineté exemplaire.

En limitant les exportations à 18 000 tonnes d’ici la fin de l’année, puis à 96 600 tonnes annuelles jusqu’en 2027, la RDC ne se contente pas de lutter contre la fraude ou de stabiliser les prix : elle affirme sa volonté de ne plus être un simple pourvoyeur de matières premières, mais un acteur maître de ses ressources. Cette décision, prise sous l’impulsion du président Félix Antoine Tshisekedi, pourrait bien marquer le début d’une nouvelle ère pour l’Afrique et ses richesses naturelles.

Le cobalt est aujourd’hui au cœur de la révolution verte. Indispensable à la fabrication des batteries électriques, il est devenu une ressource stratégique, convoitée par les grandes puissances industrielles. Pourtant, malgré sa position dominante (75 % de la production mondiale), la RDC en a longtemps tiré peu de bénéfices. Les prix, dictés par les bourses internationales, fluctuent au gré de la spéculation, tandis que les revenus tirés de son exploitation profitent davantage aux multinationales qu’aux populations locales. La chute des cours en février 2025, atteignant leur plus bas niveau en neuf ans, a révélé l’urgence d’agir. Plutôt que de subir, la RDC a choisi de réagir.

Cette dépendance n’est pas une fatalité. D’autres pays producteurs, comme le Chili avec le cuivre ou l’Indonésie avec le nickel, ont montré qu’une régulation volontariste pouvait transformer une malédiction des ressources en levier de développement. En suspendant temporairement ses exportations, puis en instaurant des quotas, la RDC s’inscrit dans cette dynamique. Elle refuse désormais d’être le « réservoir à minerais » de la planète, sans retour sur investissement pour son peuple.

L’instauration de quotas est une réponse directe à deux fléaux : la volatilité des prix et l’exploitation anarchique. En contrôlant les volumes exportés, la RDC se dote d’un outil puissant pour stabiliser ses recettes et négocier depuis une position de force. Contrairement aux idées reçues, cette mesure ne pénalise pas seulement les exportateurs. Elle offre une visibilité aux investisseurs sérieux, tout en éliminant les acteurs frauduleux qui profitent des failles du système pour exporter illégalement le cobalt à vil prix.

Par ailleurs, cette politique s’inscrit dans une logique de développement durable. En régulant le marché, la RDC peut mieux planifier ses revenus et réinvestir dans des secteurs clés : éducation, santé, infrastructures. Elle envoie aussi un signal clair aux partenaires étrangers : l’ère où l’Afrique se contentait de fournir des matières brutes sans valeur ajoutée est révolue. Les quotas pourraient ainsi servir de tremplin pour développer une industrie locale de transformation, créant emplois et compétences sur place.

Le courage politique de Félix Tshisekedi mérite d’être souligné. Défier les intérêts des géants miniers et des pays consommateurs n’est pas anodin. Pourtant, le président congolais assume ce choix, conscient que la souveraineté économique passe par le contrôle des ressources nationales. Cette détermination pourrait inspirer d’autres nations africaines, trop souvent contraintes de brader leurs richesses sous la pression des marchés ou des créanciers.

Les quotas permettent de lutter contre les exportations illégales, qui privent l’État de recettes fiscales essentielles. En encadrant strictement les flux, la RDC peut enfin tirer un juste profit de son sous-sol.

Avec une offre maîtrisée, la RDC est en position de force pour exiger des contrats plus avantageux. Les pays consommateurs et les constructeurs automobiles dépendants de son cobalt devront désormais composer avec ses conditions. Cela ouvre la porte à des accords gagnant-gagnant, incluant des transferts de technologie ou des investissements dans la transformation locale.

La RDC montre la voie à d’autres pays riches en ressources. Le nickel en Nouvelle-Calédonie, le lithium au Zimbabwe, ou le cuivre en Zambie pourraient bénéficier de politiques similaires. L’enjeu est de taille : il s’agit de rompre avec le schéma colonial qui cantonne l’Afrique au rôle de fournisseur passif.

En sécurisant l’approvisionnement en cobalt, la RDC contribue paradoxalement à la transition verte. Des prix stables encouragent les investissements dans les batteries et les énergies renouvelables, tout en évitant les pénuries qui freinent l’innovation.

Et si la RDC venait de lancer un mouvement irréversible ? Imaginez une Afrique où chaque pays producteur fixerait les règles d’exploitation de ses ressources, en concertation avec ses populations. Où les revenus miniers financeraient des écoles, des hôpitaux, et des usines, plutôt que des comptes offshore. Où les partenariats avec l’étranger seraient basés sur le respect mutuel, et non sur l’exploitation.

Cette vision n’est pas utopique. L’Indonésie, en interdisant l’export de minerais bruts, a attiré des milliards d’investissements dans des usines de raffinage. La RDC a tous les atouts pour reproduire ce succès. À condition de rester ferme face aux pressions extérieures et de veiller à ce que les quotas profitent à tous, et pas seulement à une élite.

La décision de la RDC doit être encouragée, non combattue. Les pays occidentaux et les multinationales qui crient au « protectionnisme » feraient mieux de saisir cette main tendue. Plutôt que de contester les quotas, ils devraient proposer des partenariats équitables, incluant des clauses de développement local et de respect de l’environnement.

Aux autres nations africaines, la RDC lance un défi : osons reprendre le contrôle de nos richesses. Aux citoyens congolais, elle offre une lueur d’espoir : vos ressources peuvent enfin servir votre développement. Aux consommateurs de cobalt, elle rappelle une évidence : aucune transition énergétique ne sera juste si elle repose sur l’exploitation des plus faibles.

La balle est désormais dans le camp de la communauté internationale. Soit elle accepte de jouer selon les nouvelles règles, équitables et transparentes, fixées par la RDC. Soit elle perpétue un système inique, où l’Afrique paie le prix fort de la modernité des autres. Le choix est clair. Soutenons la RDC dans cette voie, car son combat est celui de tout un continent.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Modou Gaye.
Mis en ligne : 10/10/2025

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