Climat, guerre, précarité : L’épidémie mentale ignorée - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Santé | Par Eva | Publié le 09/09/2025 09:09:15

Climat, guerre, précarité : L’épidémie mentale ignorée

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L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) vient de tirer la sonnette d’alarme : plus d’un milliard de personnes dans le monde vivent avec des troubles mentaux, un chiffre vertigineux qui s’aggrave sous l’effet des crises économiques, climatiques et sociales. Pourtant, malgré les appels répétés à l’action, les États peinent à intégrer la santé mentale dans leurs plans de résilience. Si les progrès existent, ils restent dérisoires face à l’ampleur du désastre.

L’inaction des gouvernements face à cette crise humanitaire est inacceptable. Les leçons de la pandémie de Covid-19, les traumatismes collectifs liés aux conflits et au changement climatique, ainsi que la détresse des jeunes générations exigent une réponse immédiate et ambitieuse. Or, les promesses restent lettres mortes, les budgets ridicules, et les populations livrées à elles-mêmes.

Les crises récentes pandémie, réchauffement climatique, précarité économique ont profondément ébranlé la santé mentale des populations. En France, près d’un citoyen sur cinq déclare avoir été touché par un trouble mental, et la tendance est mondiale : plus de 80 % des personnes concernées vivent dans des contextes de précarité, de violence ou de crises multifactorielles. Les jeunes, en première ligne, subissent de plein fouet l’anxiété climatique, la précarité et l’isolement, avec des conséquences dramatiques : en 2021, 727 000 suicides ont été recensés, faisant de ce fléau l’une des principales causes de mortalité chez les 15-29 ans. Pourtant, les investissements publics en santé mentale stagnent à 2 % des budgets santé, avec des disparités criantes entre pays riches et pauvres.

La pandémie de Covid-19 a révélé l’urgence d’une prise en charge psychologique de masse, mais les leçons n’ont pas été tirées. Les confinements, l’isolement et l’incertitude ont laissé des traces profondes, notamment chez les jeunes, dont la santé mentale s’est dégradée de manière alarmante. Les hospitalisations pour tentatives de suicide et auto-agressions ont explosé, notamment chez les jeunes filles, avec une hausse de 570 % depuis 2007. Malgré cela, l’accès aux soins reste limité, les délais d’attente interminables, et les structures de proximité quasi inexistantes dans la plupart des pays.

L’OMS salue certes quelques progrès : depuis 2020, plus de 80 % des pays offrent un soutien psychologique en situation d’urgence, contre 39 % en 2020. Mais ces avancées masquent une réalité accablante : les investissements ne suivent pas, les inégalités territoriales et sociales s’aggravent, et les modèles de soins restent obsolètes, souvent centrés sur l’hospitalisation forcée plutôt que sur la prévention et l’accompagnement de proximité. Pire, les politiques publiques se contentent de demi-mesures. En France, la santé mentale a été érigée en « Grande cause nationale » pour 2025, mais les moyens alloués restent insuffisants pour répondre à l’ampleur des besoins.

Les crises climatiques, souvent présentées comme une menace lointaine, génèrent déjà des traumatismes collectifs. Catastrophes naturelles, vagues de chaleur, détresse des populations déplacées : autant de facteurs qui exacerbent l’anxiété et la dépression, sans que les plans d’adaptation n’intègrent sérieusement la dimension psychologique. Les jeunes, particulièrement sensibles à l’urgence écologique, voient leur avenir hypothéqué par l’inaction des dirigeants, ce qui alimente un sentiment d’abandon et de désespoir.

La dépression et l’anxiété coûtent chaque année 1 000 milliards de dollars à l’économie mondiale, principalement en perte de productivité. Investir dans la santé mentale, c’est investir dans la résilience des sociétés et des économies. Dans les pays pauvres, les dépenses en santé mentale s’élèvent à 0,04 dollar par habitant, contre 65 dollars dans les pays riches. Cette injustice est intolérable. Moins de 10 % des pays ont développé des structures de proximité, pourtant bien plus efficaces que les hospitalisations longues et coercitives.La génération Z, marquée par les crises successives, place le bien-être mental au cœur de ses préoccupations. Pourtant, les systèmes de soins peinent à répondre à leurs besoins, faute de moyens et de vision.

Certains pays montrent la voie. En Europe, des programmes comme « Un chez-soi d’abord » en France ou « Working First » intègrent la santé mentale dans les politiques de logement et d’emploi, avec des résultats encourageants. Mais ces initiatives restent marginales. À l’inverse, l’obsession de la croissance économique et la flexibilisation du travail aggravent la précarité et la détresse psychologique, notamment chez les plus vulnérables.

La santé mentale n’est pas un luxe, mais un droit fondamental. Pourtant, les États continuent de la traiter comme une variable d’ajustement. Alors que les crises s’enchaînent, il est temps de passer des discours aux actes : augmenter massivement les budgets, former davantage de professionnels, intégrer la santé mentale dans tous les plans de résilience, et briser le tabou qui entoure encore les troubles psychiques.

La Réunion de haut niveau de l’ONU sur la santé mentale, prévue le 25 septembre 2025, sera un test crucial. Si les dirigeants échouent à s’engager concrètement, ce sera une nouvelle trahison pour les millions de personnes en souffrance. La santé mentale doit devenir une priorité absolue, au même titre que la lutte contre le changement climatique ou les pandémies. L’inaction n’est plus une option : elle a un coût humain, social et économique que le monde ne peut plus se permettre.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Boubacar Diop.
Mis en ligne : 09/09/2025

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