Article opinion écrit par le créateur de contenu : Rahime Pipita.
Le président de la junte militaire guinéenne, Mamady Doumbouya, s’apprête à perpétuer un schéma déjà bien connu dans l’histoire récente de la Guinée : celui des putschistes qui, au lieu de remettre le pouvoir à une administration civile, s’y accrochent.
Son annonce non officielle de candidature à la présidence lors du conseil des ministres du 12 septembre 2024 marque un tournant inquiétant, d’autant plus que la France semble le soutenir dans cette démarche.
La situation actuelle en Guinée rappelle étrangement celle de 2009, lorsque le CNDD de Moussa Dadis Camara, également arrivé au pouvoir par un coup d’État, avait promis une transition rapide vers des élections libres avant de succomber à la tentation de garder le contrôle. Cette histoire ne semble pas avoir servi de leçon au CNRD (Comité National du Rassemblement pour le Développement) de Doumbouya. À l’instar de Camara, Doumbouya était initialement perçu comme un libérateur potentiel, capable de rétablir la démocratie. Pourtant, moins de trois ans après son arrivée au pouvoir, la junte se montre de plus en plus répressive et cherche à maintenir son emprise sur l’appareil d’État.
En condamnant récemment Dadis Camara à 20 ans de prison pour son rôle dans les massacres du 28 septembre 2009, les autorités semblent vouloir se dissocier de cette période sombre. Mais en réalité, la Guinée retombe dans les mêmes travers : une classe dirigeante militaire qui refuse de céder le pouvoir, manipule la population à travers la propagande et réprime toute forme de dissidence depuis 2021.
Une autre ressemblance troublante entre le régime de Doumbouya et celui de ses prédécesseurs est l’inaction de la jeunesse guinéenne. Cette jeunesse, souvent frappée par la pauvreté, le chômage et la corruption, choisit trop souvent de ne pas se lever contre les injustices qui gangrènent leur pays. Au lieu de cela, une partie des jeunes, ainsi que certains artistes et intellectuels, préfèrent se plier aux exigences de la junte.
Le reggae-man Takana Zion, autrefois figure de résistance, en est un exemple marquant. Il a troqué son engagement artistique contre le confort matériel, soutenant ouvertement la junte et ses actions répressives. En acceptant de devenir une caisse de résonance du pouvoir, ces artistes contribuent à la stagnation intellectuelle et morale du pays.
Cela pose une question cruciale : pourquoi la jeunesse, qui devrait être le moteur du changement, refuse-t-elle de contester ce pouvoir militaire ? La réponse réside en partie dans la répression brutale des voix dissidentes.
Les arrestations de leaders d’opinion comme Billo Bah ou Oumar Sylla, ainsi que l’assassinat de militaires comme le général Sadiba Koulibaly, dissuadent de nombreuses personnes de s’opposer à la junte. Mais il y a également un problème de conscience collective. Les jeunes semblent de plus en plus enclins à accepter l’injustice comme une fatalité, sans comprendre que leur silence équivaut à une approbation tacite des abus du pouvoir.
La France, ancienne puissance coloniale, joue un rôle ambigu dans cette dynamique. Avec l’expulsion récente de ses forces et de son influence au Burkina Faso, au Mali et au Niger, Paris semble vouloir sauver ses derniers alliés militaires en Afrique de l’Ouest, dont Mamady Doumbouya. En le soutenant, la France renforce l’idée selon laquelle elle est prête à cautionner des régimes militaires tant qu’ils servent ses intérêts stratégiques et économiques. Cela risque d’aliéner davantage les populations africaines, qui voient dans cette alliance une continuation des politiques néocoloniales, loin des idéaux démocratiques promus par l’Occident.
La Guinée se trouve à la croisée des chemins. Soit elle continue sur la voie de la répression et de l’autocratie, soit elle parvient à organiser une transition politique crédible. Pour y parvenir, quelques actions sont essentielles : la junte doit respecter ses engagements de transition et organiser des élections libres et transparentes. Mamady Doumbouya doit renoncer à sa candidature et permettre une vraie compétition démocratique.
Il est urgent de conscientiser la jeunesse guinéenne sur son rôle dans la transformation du pays. Des campagnes de sensibilisation, des forums et des espaces de dialogue doivent être créés pour encourager la contestation pacifique. L’armée ne peut plus être le bras armé d’un pouvoir autoritaire. Elle doit retourner à son rôle apolitique et protéger la Constitution plutôt que de s’en servir pour justifier des abus. La Guinée doit se détacher des influences néocoloniales et chercher des partenariats basés sur des intérêts réciproques, et non sur la domination.
La Guinée est à un tournant décisif de son histoire. Si les erreurs du passé ne sont pas corrigées, le pays risque de retomber dans une spirale de violence et de répression. Le salut de la Guinée repose sur sa jeunesse, ses intellectuels et sa société civile, qui doivent se lever pour exiger un véritable changement. L’avenir du pays est entre leurs mains.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Rahime Pipita
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