En Côte d’Ivoire, pays autrefois reconnu pour sa relative tolérance envers les personnes LGBT, une campagne de haine orchestrée contre les personnes homosexuelles et transgenres prend de l’ampleur, aussi bien en ligne que dans la rue.
Le terme « woubi », à l’origine utilisé dans les communautés LGBT pour désigner les hommes homosexuels ou certaines personnes transgenres, est devenu une insulte banalisée, criée avec véhémence lors de manifestations ou partagée en masse sur les réseaux sociaux.
L’ampleur de cette vague homophobe menace non seulement la sécurité des personnes concernées, mais aussi les avancées sociales en matière de droits humains en Côte d’Ivoire.
À l’instar de nombreux autres mouvements haineux, l’expansion de la rhétorique anti-LGBT en Côte d’Ivoire trouve un écho important sur les réseaux sociaux. La plateforme TikTok, par exemple, a vu une vidéo publiée par l’influenceur General Makosso Camille, le 21 août, atteindre 1 700 000 vues avant la suspension de son compte.
Dans une vidéo, il accuse directement les « woubis » de crimes graves, notamment la pédophilie et la propagation de la variole du singe. Ses propos véhiculent une désinformation qui alimente la peur et la haine à l’égard des personnes LGBT, jouant sur des préjugés profondément ancrés dans certaines franges de la société.
Les réseaux sociaux, comme TikTok et X (anciennement Twitter), offrent une caisse de résonance aux influenceurs qui, sous couvert de pseudo-religiosité ou de « panafricanisme », propagent un discours homophobe radical. Certains, comme Makosso Camille, en appellent à l’adoption de lois criminalisant l’homosexualité, se référant aux exemples du Togo, du Burkina Faso ou du Cameroun, des pays où la législation répressive contre les personnes LGBT est stricte. Derrière ces discours se cache une instrumentalisation des croyances religieuses et des valeurs africaines pour justifier l’exclusion et la persécution d’une minorité.
Le soutien à cette campagne homophobe ne se limite pas à une simple contestation des droits des LGBT. Certains influenceurs qualifiés de « panafricains » utilisent cette rhétorique pour attaquer les autorités ivoiriennes, accusées d’être trop proches de l’Occident, à l’opposé des régimes militaires du Mali et du Burkina Faso. Ces régimes, fortement rejetés par la Côte d’Ivoire, sont présentés par ces influenceurs comme des modèles de « souveraineté » et de « valeurs africaines », renforçant un amalgame entre homophobie et anti-occidentalisme. La haine dirigée contre les « woubis » devient ainsi un levier pour critiquer et affaiblir les autorités en place.
Ce contexte politique complexifie la lutte contre l’homophobie, car les campagnes contre les LGBT deviennent des outils de polarisation et de division. Pour beaucoup, la lutte contre les « Woubi » est présentée comme un acte de résistance contre une supposée influence néfaste de l’Occident. Cette manipulation idéologique entrave la mise en place d’un dialogue apaisé et d’une protection des droits humains universels.
Si la violence numérique est massive, elle déborde rapidement sur des agressions physiques. Le 5 septembre 2024, une marche « Stop Woubi » a été organisée à Abidjan, sous couvert de pacifisme, mais les slogans violents et les appels à la « chasse » montrent un réel danger pour les personnes LGBT. Les participants à cette marche ne se contentent pas de scander des slogans, mais incitent à une répression physique des homosexuels et transgenres. Ce type de rassemblement démontre que le discours de haine en ligne a des conséquences graves dans la vie réelle.
Des groupes WhatsApp privés, comme le révèlent certaines sources, sont utilisés pour coordonner des actions plus discrètes mais tout aussi dangereuses. Des captures d’écran montrent comment des campagnes de signalement sont organisées contre des personnalités homosexuelles ivoiriennes, encourageant des violences psychologiques, voire physiques. Cette violence organisée mine les efforts des associations locales et internationales qui luttent pour la défense des droits humains et l’égalité.
Les associations ivoiriennes qui travaillent depuis des années à défendre les droits des LGBT se retrouvent aujourd’hui dans une situation de plus en plus précaire. Face à la montée de la violence et à la diffusion de la haine sur les réseaux sociaux, leur travail est mis en péril. Les membres de ces associations sont souvent confrontés à des menaces, et leur légitimité est remise en question par une population manipulée par des influenceurs sans scrupules.
Ces mouvements homophobes cherchent à faire reculer les acquis en matière de droits humains et à imposer un climat de peur pour museler toute contestation. En parallèle, l’absence d’une législation claire sur la protection des personnes LGBT laisse un vide juridique qui favorise les abus et les violences.
En Côte d’Ivoire, la législation actuelle ne criminalise pas les relations entre personnes du même sexe, contrairement à de nombreux pays voisins. Cependant, les appels de plus en plus fréquents à la mise en place de lois répressives inquiètent. La pétition « Stop Woubi », qui a récolté près de 70 000 signatures avant d’être retirée, montre l’étendue du soutien populaire à une criminalisation de l’homosexualité. Ce contexte pourrait faire basculer la Côte d’Ivoire vers une régression des droits fondamentaux, dans un continent où plusieurs pays, comme le Ghana ou le Mali, tentent de durcir leur arsenal juridique contre les LGBT.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : A.S.
Mis en ligne : 22/10/2024
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