Les marchés du carbone en Afrique suscitent espoir et scepticisme. Prometteurs en théorie, ils risquent de perpétuer des injustices. Sans cadres solides, ces initiatives profitent peu aux communautés locales, aggravant leur vulnérabilité.
Le marché du carbone en Afrique connaît une croissance rapide, attirant l’attention internationale. Des millions d’hectares, comme les Northern Kenya Rangelands, sont au cœur de projets de séquestration de carbone.
Ces initiatives promettent de compenser les émissions mondiales tout en finançant le développement local. Pourtant, la réalité est loin de tenir ces promesses.
En théorie, ces projets devraient générer des revenus substantiels pour les communautés autochtones, en les récompensant pour leur gestion durable des terres. Mais, dans la pratique, l’absence de régulations claires et la faible gouvernance locale exposent ces populations à des abus.
Dans le nord du Kenya, 27 communautés pastorales négocient la gestion de 4,7 millions d’acres de prairies pour vendre des crédits carbone. Cependant, ces discussions s’accompagnent de conflits autour des droits fonciers et de la répartition des bénéfices. Au Zimbabwe, les récentes lois permettent aux développeurs de conserver 70 % des revenus des projets. Les communautés, elles, n’en reçoivent qu’une faible part, malgré leur rôle essentiel dans la protection des écosystèmes.
Cette dynamique reflète un schéma inquiétant : des investisseurs étrangers profitent des richesses naturelles africaines sans que les populations locales ne soient pleinement impliquées. La transparence fait souvent défaut, les accords sont opaques, et les populations ne participent pas toujours aux décisions majeures.
Les cadres juridiques sont trop souvent insuffisants ou mal appliqués. Alors que la demande pour des crédits carbone explose, les pays africains peinent à encadrer efficacement ces projets. L’Accord de Paris encourage le consentement libre, préalable et éclairé (FPIC) pour les projets sur des terres communautaires. Pourtant, cette norme est rarement respectée.
Au Kenya, la loi sur le changement climatique de 2023 impose qu’au moins 40 % des revenus reviennent aux communautés. Mais l’absence de mécanismes de suivi limite son application. En Sierra Leone, les communautés utilisent des lois existantes pour réclamer 50 % des revenus, mais l’absence de régulation spécifique au carbone freine leurs efforts.
Ces marchés ne se contentent pas d’exploiter les terres, ils fragilisent également la résilience des communautés face au changement climatique. Les sécheresses récurrentes et les inondations, comme celles qui ont frappé le Kenya ces dernières années, montrent que ces populations subissent déjà des pressions immenses. Les bénéfices promis par les marchés du carbone ne compensent pas ces pertes, et les risques liés à l’appropriation des terres accentuent leur précarité.
Pour transformer les marchés du carbone en outils de développement inclusif, des actions radicales s’imposent. Les pays africains doivent adopter des lois définissant clairement les droits au carbone. Ces cadres doivent garantir la redistribution équitable des bénéfices et imposer des normes sociales et environnementales strictes.
Tous les projets doivent rendre publics leurs contrats, revenus et flux financiers. Cela permettra aux communautés et aux gouvernements de vérifier le respect des engagements. Le consentement des communautés doit être obligatoire avant tout projet. Cela inclut une évaluation claire des impacts sociaux et environnementaux.
Des organismes locaux et internationaux doivent superviser la mise en œuvre des projets pour prévenir les abus. Une part significative des revenus du carbone doit financer des projets de développement durable pour renforcer la résilience des communautés. Les marchés du carbone peuvent devenir un levier puissant contre la crise climatique, mais pas au détriment des populations locales.
En adoptant des garde-fous législatifs solides et en centrant les droits des communautés, l’Afrique pourrait non seulement réduire les émissions mondiales, mais aussi ouvrir la voie à un développement plus équitable. Il est temps de transformer ces initiatives en outils au service de tous, et non des seuls investisseurs.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Rahime Pipita
Mis en ligne : 13/12/2024
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