L'image avant tout : L'authenticité, un défi pour les politiciens - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Politique | Par Eva | Publié le 13/01/2025 12:01:15

L'image avant tout : L'authenticité, un défi pour les politiciens

La politique sénégalaise, tout comme celle de nombreux autres pays, est largement dominée par la gestion de l’image et la communication. Les politiciens doivent constamment naviguer entre le besoin d’être perçus comme compétents, charismatiques et proches des préoccupations du peuple, et la pression de maintenir une certaine image publique qui leur assure des soutiens électoraux. Dans ce cadre, l’authenticité devient un luxe que peu peuvent se permettre. En effet, les attentes des électeurs, les nécessités de la compétition électorale et les stratégies de communication rendent difficile le maintien d’une sincérité totale.

Les politiciens, au Sénégal comme ailleurs, sont souvent contraints de jouer un rôle, de se conformer à des attentes sociales et politiques et de construire des narratives qui leur permettent de répondre aux besoins immédiats de l’électorat tout en naviguant dans un environnement où la vérité brute et l’authenticité peuvent parfois être perçues comme des obstacles à la réussite politique.

La politique sénégalaise n’échappe pas à cette tendance mondiale où l’image est devenue un élément central du jeu politique. Dans un pays où les médias et les réseaux sociaux jouent un rôle crucial dans la formation de l’opinion publique, chaque geste, chaque mot d’un homme ou d’une femme politique est scruté et interprété sous l’angle de la communication. L’authenticité, dans ce contexte, est perçue comme un atout rare, car il devient impératif de se conformer aux attentes souvent floues et changeantes de l’électorat.

Les politiciens doivent constamment adapter leurs discours pour répondre aux urgences du moment, tout en préservant une image de leader charismatique, à la fois ferme et humain, visionnaire et pragmatique. Cette quête d’une image impeccable, souvent façonnée par des conseillers en communication, tend à effacer les aspects plus humains ou imparfaits des dirigeants, rendant difficile toute expression authentique de leurs convictions profondes.

Un exemple concret de cette gestion de l’image dans la politique sénégalaise est la manière dont les politiciens, quel que soit leur bord, mettent en avant leur proximité avec le peuple pendant les campagnes électorales. Lors des élections, les candidats se transforment souvent en figures populaires qui prônent des valeurs de justice sociale, de solidarité et de développement. Cependant, une fois élus, ces mêmes politiciens doivent jongler avec des réalités politiques, économiques et sociales complexes qui les obligent à faire des compromis. Les citoyens, souvent déçus par la différence entre la promesse et la réalité, commencent à douter de l’authenticité de leurs élus.

Dans un environnement politique comme celui du Sénégal, où les coalitions sont souvent fragiles et les compromis inévitables, l’authenticité d’un politicien se trouve souvent mise à mal. Au fil des alliances, des concessions et des négociations, les leaders politiques doivent souvent faire face à des choix qui contredisent leurs promesses ou convictions initiales. Le cas du président Macky Sall, par exemple, illustre bien cette dynamique. Lors de ses premières campagnes, Macky Sall a promis des réformes profondes dans la gestion de l’État et une lutte sans relâche contre la corruption.

Mais au fur et à mesure de son mandat, il a été contraint de faire des compromis avec certains acteurs économiques et politiques, ce qui a parfois nui à l’image qu’il avait construite auprès de ses électeurs. Cela soulève une question fondamentale : dans un système où les compromis sont nécessaires à la gouvernance, comment un politicien peut-il rester authentique tout en répondant aux exigences du pouvoir et des alliances ?

Cette situation n’est pas propre au seul Macky Sall, elle touche de nombreux autres politiciens sénégalais, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition. La politique exige parfois de faire des choix difficiles, qui vont à l’encontre des valeurs exprimées lors des campagnes. Pour préserver la cohésion de leurs partis ou coalitions, de nombreux dirigeants sont amenés à abandonner certaines promesses ou à moduler leurs discours. Cette contradiction entre l’authenticité revendiquée et la nécessité de s’adapter aux réalités politiques engendre une déconnexion croissante entre les leaders et leurs électeurs.

Là où l’authenticité devient un luxe, c’est dans l’écart souvent abyssal entre la manière dont les politiciens sénégalais souhaitent être perçus et les compromis qu’ils doivent accepter une fois au pouvoir. Le rôle de la communication, notamment des conseillers en stratégie médiatique, est essentiel dans ce processus. Ils conseillent les politiciens sur la manière de projeter une image cohérente et positive, tout en minimisant les contradictions qui pourraient ternir leur réputation. Cela donne lieu à des messages parfaitement polis et calibrés, mais qui souvent ne correspondent pas à la réalité de la politique sur le terrain. Par exemple, pendant une campagne, un politicien peut s’engager à lutter contre la corruption, mais une fois élu, il se trouve obligé de collaborer avec des figures controversées ou de faire face à des scandales qui entachent sa crédibilité.

La gestion de cette image est particulièrement sensible dans un pays comme le Sénégal, où les citoyens sont très impliqués dans la politique et où la réputation d’un leader peut faire ou défaire une carrière. Les sondages d’opinion, les médias et les réseaux sociaux jouent un rôle central dans l’évaluation de la popularité d’un politicien. Mais ce même rôle peut également être un piège : les journalistes, souvent critiques du pouvoir, ou les opposants politiques, savent exploiter les failles de cette image soigneusement construite pour exposer les contradictions et les incohérences dans le discours des dirigeants.

L’authenticité, ou plutôt son absence, représente un défi majeur pour la démocratie sénégalaise. En effet, lorsque les politiciens sont perçus comme manquant d’authenticité, cela affecte profondément la confiance des citoyens dans le système politique. La politique doit, en principe, être un moyen d’expression des idéaux, des valeurs et des aspirations populaires. Mais lorsque l’image prime sur le fond, lorsque les discours sont polis et les promesses électorales sont jugées comme des instruments de manipulation, cela nourrit un sentiment de cynisme parmi les électeurs. Cela risque de créer un fossé entre les gouvernants et les gouvernés, avec une population désillusionnée qui remet en question la sincérité de ses dirigeants.

Cela peut également engendrer une forme d’aliénation politique, où les citoyens se sentent déconnectés des politiques publiques qui ne reflètent pas leurs véritables préoccupations. Le défi pour le Sénégal, et plus largement pour l’Afrique, est de trouver un équilibre entre la nécessité de communiquer efficacement, tout en restant fidèle à des principes fondamentaux de transparence, d’intégrité et d’authenticité dans l’exercice du pouvoir. Les politiciens doivent comprendre que l’authenticité, loin d’être un luxe, est une condition essentielle pour garantir une démocratie vivante et participative.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Latyr Faye
Mis en ligne : 13/01/2025

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