Dans une interview exclusive accordée à l’un de nos confrères, Alioune Camara, ancien directeur général de la Banque régionale de marchés (BRM), revient sur les événements dramatiques qui ont conduit à la dégradation de la banque.
Après cinq ans de silence, il dévoile des actions qu’il qualifie de « manipulatrices et destructrices » et met directement en cause Al Amine Lo, l’actuel Secrétaire général du Gouvernement, accusé de jouer un rôle central dans la chute de l’institution.
Le point de départ de cette crise, selon Camara, remonte à 2017-2018, lorsque la BCEAO a pris la décision de réduire la quotité de refinancement des banques à 2,5 fois leurs fonds propres. Une mesure qui, selon lui, a eu un impact immédiat et catastrophique sur la BRM. « Cette décision a ébranlé les fondations mêmes de la banque », déclare-t-il. La BRM, une institution spécialisée dans le marché des titres et des flux financiers, n’ayant pas de groupe bancaire derrière elle, se retrouve isolée, incapable de solliciter d’autres ressources pour se maintenir à flot.
La situation se détériore rapidement, la banque ne parvenant pas à rembourser ses emprunts dans les délais. Résultat : un an sans possibilité de refinancement et des pénalités qui s’élèvent à plus de 10 milliards de FCFA. Mais c’est l’intervention d’Al Amine Lo, alors Directeur national de la BCEAO, qui, selon Alioune Camara, a aggravé la crise.
Le banquier n’hésite pas à accuser Lo de « duplicité » et de manipulation, le qualifiant d’acteur clé dans la chute de la BRM. « Il a utilisé son pouvoir pour couler la banque », affirme-t-il. Camara accuse Lo d’avoir ordonné le blocage des titres de la BRM dans le système de la BCEAO, ce qui a empêché la banque de se refinancer.
Un autre point de friction majeur est le projet de monnaie électronique porté par la BRM, qui aurait pu constituer une avancée majeure pour la monnaie unique de la CEDEAO. « Il a torpillé notre projet de crypto-monnaie, une innovation stratégique, ce qui nous a causé un préjudice financier considérable », déplore Alioune Camara, soulignant le rôle destructeur joué par Lo dans l’échec de ce projet prometteur.
Mais c’est surtout l’attitude de Lo envers les déposants de la BRM qui suscite l’indignation de l’ex-directeur général. Camara révèle que Lo a exigé la liste des déposants de la banque et les a appelés personnellement pour leur conseiller de retirer leurs fonds « au plus vite ». Une démarche qu’il qualifie de « délit d’initié » et d’acte d’intimidation visant à précipiter la chute de la BRM.
« Ce ne sont pas des accusations, ce sont des faits réels, vécus et documentés », insiste Alioune Camara. Selon lui, ces actions ne seraient que la partie visible de l’iceberg, un ensemble d’initiatives visant à affaiblir la BRM sans raison apparente, d’autant plus qu’aucun différend direct n’existait entre la BCEAO et la banque. « Tous les Directeurs nationaux précédents ont soutenu la BRM, c’est une gestion complètement différente sous Al Amine Lo », ajoute-t-il, déplorant le traitement différencié réservé à son institution.
En conclusion de cet entretien, Alioune Camara dresse un portrait sans concession d’Al Amine Lo, aujourd’hui membre du gouvernement. « Quand on voit M. Lo parmi les ‘Patriotes’ au pouvoir, cela soulève des interrogations. Un patriote ne doit pas nuire aux intérêts de son pays », lance-t-il, un message clair sur la vision qu’il a de l’évolution de son ancien collègue.
Article écrit par : Sophie Diop
Mis en ligne : 21/01/2025
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