La résurgence des tensions au Soudan du Sud entre le président Salva Kiir et son vice-président Riek Machar soulève une question centrale : la paix signée en 2018 a-t-elle jamais été autre chose qu’un fragile compromis ? Depuis plusieurs semaines, les affrontements se multiplient, des figures proches de Machar sont arrêtées et sa résidence a été encerclée.
Cette situation semble démontrer l’échec d’un accord qui n’a jamais permis une véritable pacification du pays. En réalité, ces nouvelles violences sont le symptôme d’un problème plus profond : la lutte pour le pouvoir dans un État où les rivalités politiques priment sur la stabilité nationale.
Dès le départ, l’accord de paix de 2018 était bâti sur du sable. Il n’a jamais permis une unification réelle de l’armée, ni une pacification durable des tensions entre Salva Kiir et Riek Machar. Loin d’être des alliés dans la reconstruction du pays, ces deux dirigeants sont restés enfermés dans une rivalité permanente, empêchant toute avancée vers une véritable gouvernance partagée. Si jusqu’à présent ces tensions n’avaient pas dégénéré en conflit ouvert, la menace d’un nouvel embrasement n’a jamais cessé de planer. La situation actuelle prouve que cette menace était bien réelle.
Cependant, la crise dépasse largement l’opposition entre les deux hommes. En toile de fond, c’est la question de la succession du président qui alimente ces tensions. Salva Kiir, âgé de 73 ans, voit son avenir politique incertain et son poste convoité, non seulement par l’opposition, mais aussi par des figures de son propre camp. Ce contexte exacerbe les rivalités et pousse Kiir à multiplier les purges pour sécuriser son pouvoir. Il ne s’agit plus simplement d’écarter un adversaire politique, mais bien de s’assurer que personne, au sein même du pouvoir, ne puisse représenter une menace.
C’est dans cette logique que Salva Kiir a entrepris d’éliminer toute concurrence potentielle, que ce soit du côté de Machar ou au sein de son propre camp. La destitution de James Wani Igga, pourtant un allié historique, et son remplacement par Benjamin Bol Mel, un homme sans passé militaire ou politique, marquent une rupture profonde avec les traditions du SPLM. Plutôt que de respecter l’ancien système de séniorité, Kiir impose une nouvelle logique où la loyauté et la protection de ses intérêts financiers priment sur toute autre considération. Cette manœuvre illustre une tentative de reconfiguration du pouvoir, au mépris des principes sur lesquels repose son parti.
En fin de compte, cette crise révèle une réalité incontournable : le Soudan du Sud reste pris dans un cycle de luttes de pouvoir où la survie politique passe avant la stabilité du pays. L’affaiblissement économique de Juba, aggravé par la guerre civile au Soudan voisin, ne fait qu’exacerber ces tensions. Plutôt que de s’attacher à construire une paix durable, les dirigeants poursuivent des stratégies de court terme, visant à préserver leur position. Tant que cette dynamique perdurera, les espoirs de paix réelle resteront illusoires, et le peuple sud-soudanais continuera d’en payer le prix.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : El Hadji Kone.
Mis en ligne : 11/03/2025
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