En Guinée, l’ancien chef de la junte Moussa Dadis Camara a été gracié vendredi pour « raison de santé » par l’actuel dirigeant, le général Mamadi Doumbouya. Condamné en août dernier à vingt ans de prison pour crimes contre l’humanité, il était reconnu responsable du massacre du 28 septembre 2009, où au moins 156 personnes avaient été tuées et 109 femmes violées lors de la répression d’un rassemblement de l’opposition à Conakry.
« Cette grâce divise l’opinion publique », observe Ledjely à Conakry. Elle pourrait « avoir des répercussions sur la scène politique guinéenne dans les semaines à venir ».
Pour Afrik.com, cette décision intervient dans un climat déjà tendu. « Alors que les manifestations sont interdites et que la presse subit des restrictions, cette grâce présidentielle est perçue par certains comme un signal inquiétant. » En parallèle, le gouvernement a annoncé la prise en charge des indemnisations des victimes du massacre de 2009, mais cette mesure est jugée insuffisante par ceux qui dénoncent l’impunité accordée à Dadis Camara.
Le site Guinée 7 s’interroge : « Doumbouya s’est-il engagé dans un chemin de réconciliation ou a-t-il rouvert les plaies d’une histoire tragique ? » Certains y voient un geste inspiré du modèle sud-africain, où justice et pardon vont de pair. « Mais pour d’autres, cette décision cache une stratégie politique. En libérant Dadis, Doumbouya cherche-t-il à rallier une partie de l’opinion, notamment en Guinée Forestière, où l’ancien chef de la junte conserve un fort soutien ? »
Le risque, avertit Guinée 7, est de voir « les vieux démons du passé ressurgir, ravivant des tensions enfouies. La promesse de justice est-elle en train de se dissoudre dans l’incertitude ? »
À Ouagadougou, Aujourd’hui s’interroge : « Miséricorde d’Aïd-El-Fitr ou manœuvre politique ? Pourquoi cette grâce “doumbouyayisque” ? » Le journal burkinabé écarte l’hypothèse d’un geste religieux : « La religion prône la justice et la protection des victimes. Ce qui s’est passé il y a 16 ans ne peut être balayé au nom du pardon. Cette grâce est perçue comme une prime à l’impunité. »
Aujourd’hui évoque aussi une possible « solidarité entre frères d’armes putschistes » : « Doumbouya et Dadis partagent un point commun : ils sont entrés dans l’histoire de la Guinée au son des armes. La solidarité de corps existe, par-delà les années. »
Enfin, le quotidien pointe un éventuel calcul électoral : « Doumbouya, futur candidat à la présidentielle, cherche-t-il à séduire l’électorat de Dadis Camara ? En Guinée, où l’influence politique repose sur des baronnies régionales, cette hypothèse est loin d’être absurde. »
Aujourd’hui conclut sans détour : « C’est le cou de la justice qu’on a tordu, et les victimes ont été reléguées dans un angle mort. Ainsi vont les intérêts politiques. »
Article écrit par : Jean Lazare Ndiaye.
Mis en ligne : 31/03/2025
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