Depuis son accession à la magistrature suprême, Bassirou Diomaye Faye a façonné un style présidentiel singulier, mêlant courtoisie, retenue et distance calculée. Son attitude tranche avec celle de ses prédécesseurs, souvent accusés de gouverner avec autoritarisme. Pourtant, au fil des mois, se dessine le portrait d’un président qui semble plus soucieux d’alléger le poids de sa charge que de l’assumer pleinement.
Derrière les symboles d’humilité et les discours sur la collégialité du pouvoir, une réalité s’impose : le chef de l’État cherche à déléguer, diluer, voire fuir l’essence même de sa fonction. Il rêve d’un pouvoir sans frictions, d’un mandat sans heurts, où le Premier ministre deviendrait le véritable homme fort du régime, pendant que lui resterait au-dessus de la mêlée.
« Je veux un Premier ministre super fort », répète-t-il, Diomaye Faye, comme un mantra. Mais cette volonté soulève une question fondamentale : à quoi sert le Président de la République, si ce dernier choisit d’endosser un rôle purement symbolique ? Le peuple sénégalais n’a pas élu un président pour qu’il se transforme en arbitre lointain d’un exécutif bicéphale, mais pour qu’il gouverne, décide et incarne l’unité nationale.
Il est possible de renforcer les pouvoirs du Premier ministre, certes. La Constitution sénégalaise le permet. L’article 50, dans son dernier alinéa, donne au président le droit d’autoriser son chef du gouvernement à prendre des décisions par décret. Il peut donc déléguer, sans pour autant renoncer à son rôle central. Ce que la Constitution ne permet pas, en revanche, c’est d’effacer, de fait, le chef de l’État au profit d’un autre.
Or, en s’accrochant à cette idée de « Premier ministre super fort », tout en affirmant ne pas vouloir changer de régime, le président Faye crée une confusion institutionnelle. Car si le Premier ministre devait concentrer en ses mains la définition de la politique de la nation, la nomination des ministres, la promulgation des lois ou la dissolution de l’Assemblée, alors nous ne serions plus dans un régime semi-présidentiel, mais dans une transition vers un parlementarisme non assumé.
Le danger est réel : l’émergence d’un bicéphalisme ambigu, générateur de conflits, d’instabilités et de paralysies. Et ce, dans un pays encore fragile, où la cohérence du pouvoir est essentielle à la stabilité démocratique.
Il est louable de vouloir partager le pouvoir. Mais ce partage ne doit pas se transformer en démission. Le Sénégal n’a pas besoin d’un président absent ou effacé. Il a besoin d’un capitaine ferme, clairvoyant, et pleinement conscient de ses responsabilités.
À Diomaye Faye, donc, de se rappeler que ce fauteuil présidentiel n’est pas un siège à partager, mais un destin à porter. Élu par la volonté populaire, élevé par la grâce divine comme il aime le rappeler, il doit honorer ce mandat par l’action, l’engagement et la responsabilité.
L’heure n’est plus aux incantations, ni aux manœuvres institutionnelles. L’heure est à la clarté, à l’incarnation et à la pleine prise en main des rênes du pouvoir.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Badara Dieye.
Mis en ligne : 08/04/2025
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