Depuis leur accession au pouvoir, les figures de Pastef, fortifiées par une majorité écrasante à l’Assemblée nationale, placent la justice au cœur de leur projet politique. La loi interprétative de l’amnistie de 2024, votée le 2 avril dernier, a été le catalyseur d’un discours musclé autour de l’exigence de justice.
Les prises de parole à l’hémicycle, en particulier celles de Bacary Diédhiou et d’Amy Dia, donnent le ton : l’heure n’est plus à l’attente, mais aux comptes. Les dossiers emblématiques, comme Force Covid-19 ou le Prodac, deviennent les symboles d’un passé à solder. Et dans cette atmosphère, chaque jour sans arrestation est vu comme une dérobade.
L’émission Objection du 1er avril 2025, dans laquelle Aminata Touré appelait à « accélérer la cadence » de la justice financière, renforce l’idée d’un pouvoir qui ne veut plus tergiverser. La pression populaire est réelle, et l’humeur du moment laisse peu de place à la nuance. Mais cette volonté de justice, bien que légitime, interroge. Est-elle mue par un désir sincère de réparation, ou bien glisse-t-elle vers un esprit de revanche ? La frontière est mince, et l’histoire en est témoin.
Anatole France, dans Les dieux ont soif, illustre à merveille les dangers d’une justice pilotée par la passion révolutionnaire. Quand l’épée supplante la balance, quand l’urgence populaire dicte les procédures, c’est la justice elle-même qui chancelle. Le Sénégal, fort de son expérience démocratique, ne peut se permettre ce pas de côté. Le pays a besoin de lumière, pas de feu. De justice, pas de vengeance.
Face à cette pression, le ministre de la Justice, Ousmane Diagne, a tenu une posture salutaire. En rappelant que « le temps de la justice n’est pas le temps des hommes », il a affirmé son refus de se soumettre à une logique d’instrumentalisation. Cette indépendance, s’il la maintient, pourrait être le dernier rempart contre une justice spectacle. Car la soif de vérité ne doit jamais se confondre avec la soif de sang.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Modou Diop.
Mis en ligne : 09/04/2025
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