Le quotidien L’Union, basé à Libreville, titre sans équivoque : « Brice Clotaire Oligui Nguema vainqueur de la présidentielle avec 90,35 % des suffrages ». Un score qualifié de « soviétique » par le journal, qui nuance toutefois cet apparent plébiscite : « la participation finale de 70,4 % reste bien en deçà de l’enthousiasme annoncé ».
Ce taux de participation, loin des estimations optimistes de la veille, s’expliquerait selon le ministère de l’Intérieur par les difficultés rencontrées par certains électeurs, notamment ceux résidant à l’étranger, pour accomplir leur devoir civique. Des justifications qui peinent à convaincre l’opposition, laquelle évoque un scrutin entaché d’irrégularités et joué d’avance.
Malgré ces contestations, L’Union affirme que la victoire de Brice Oligui Nguema ne souffre d’aucune ambiguïté. Fort de 575 222 voix, il écrase ses concurrents. Son principal rival, Alain Claude Bilie By Nze, ne récolte que 3,02 % des suffrages, tandis que les autres candidats peinent à franchir la barre des 1 %, relégués au rang de figurants.
Pour autant, le journal souligne que « Brice Clotaire Oligui Nguema entame son mandat avec un soutien populaire nuancé ». Le chef de l’État devra, selon L’Union, « reconquérir la confiance d’une partie de la population et s’attaquer aux défis majeurs, tant économiques que sociaux. La voie vers la stabilité et la prospérité s’annonce longue et semée d’obstacles ».
Des défis colossaux en perspective
Le site Gabonactu salue également une victoire sans appel, parlant d’un « raz-de-marée électoral », mais pointe lui aussi les nombreux défis qui attendent le nouveau président : « Derrière cette démonstration de force se cache une réalité plus préoccupante », écrit le média en ligne. La situation économique du Gabon inquiète : la dette publique dépasse désormais 70 % du PIB, un niveau critique pour une économie fortement dépendante des exportations de pétrole et de minerais. À cela s’ajoute une forte vulnérabilité face à la volatilité des prix sur les marchés mondiaux.
Le chômage, notamment chez les jeunes, demeure endémique. Les infrastructures de base — routes, établissements de santé, écoles — souffrent de carences criantes, voire d’un état de dégradation avancé. Gabonactu avertit : « Si le peuple s’est exprimé dans les urnes, les attentes sont immenses. La promesse d’un renouveau démocratique et économique doit rapidement se traduire en actes ».
Élu sous le slogan « Bâtisseur », Brice Oligui Nguema est désormais attendu au tournant. Transparence, justice sociale, lutte contre la corruption, relance économique : autant de priorités désormais incontournables. « Il a les cartes en main. Reste à savoir s’il saura transformer ce plébiscite électoral en succès politique durable », conclut Gabonactu.
Un changement de façade ?
Le site Gabon Review adopte une posture plus critique et s’interroge : « Cette élection marque-t-elle un réel tournant démocratique ou ne s’agit-il que d’un vernis destiné à légitimer une reconduction déguisée ? ». Pour cette publication, les pratiques anciennes, les réseaux d’influence et les logiques de pouvoir n’ont pas disparu. « Le 12 avril 2025 devait incarner la renaissance démocratique du Gabon. Pourtant, selon de nombreux observateurs, le pays a peut-être simplement changé de façade, sans véritablement changer de cap », analyse le média.
Une diplomatie sous surveillance
Le Monde Afrique souligne de son côté l’intérêt suscité par la posture internationale de Brice Oligui Nguema. À la différence des dirigeants des pays membres de l’Alliance des États du Sahel (Burkina Faso, Mali, Niger), il n’a pas rompu avec la classe politique traditionnelle ni avec la France, tout en évitant de se rapprocher ouvertement de Moscou. « Ses liens avec les pays de l’AES sont cordiaux », indique une source citée anonymement. « Il a d’ailleurs signé un contrat important avec une entreprise burkinabè pour la construction de routes. Parallèlement, il s’est rendu à quatre reprises en France, un pays avec lequel il souhaite maintenir des relations étroites. Même s’il admire le général de Gaulle, il aspire à un partenariat plus équilibré avec Paris », précise Le Monde Afrique.
Jeune Afrique rapporte par ailleurs que le président français Emmanuel Macron a téléphoné à Brice Clotaire Oligui Nguema pour le féliciter, un jour après une première prise de contact lorsque les résultats commençaient à se dessiner. À cette occasion, le président gabonais aurait invité son homologue à sa cérémonie d’investiture. Les deux chefs d’État échangeraient régulièrement.
Enfin, Jeune Afrique souligne que, malgré des relations parfois tendues entre Paris et certains dirigeants africains, « Emmanuel Macron entend préserver des liens solides avec le Gabon ».
Article écrit par : Jean Lazare Ndiaye.
Mis en ligne : 14/04/2025
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