Le cinéma sénégalais, jadis fierté culturelle portée par des figures telles qu’Ousmane Sembène ou Djibril Diop Mambéty, semble aujourd’hui relégué au second plan.
Face à la montée fulgurante de TikTok et YouTube, plateformes omniprésentes dans la vie des jeunes, une question s’impose : assistons-nous à la lente agonie du cinéma sénégalais, étranglé par le règne de la vidéo courte et du contenu instantané ?
Il faut le dire sans détour : la révolution numérique a tout bouleversé. Désormais, une séquence de 60 secondes tournée dans une chambre peut récolter des millions de vues, là où un film local, même bien réalisé, peine à attirer 200 spectateurs en salle. Le modèle classique du cinéma narration longue, production lourde, distribution limitée paraît dépassé aux yeux d’une génération pressée, avide d’émotions rapides, de challenges dansés et de punchlines virales.
Et pourtant, la faute n’est pas uniquement à imputer aux plateformes numériques. YouTube et TikTok ne font que répondre à une demande massive : celle de contenus accessibles, gratuits, et surtout produits par des gens « ordinaires », sans filtre, sans élite, sans ticket d’entrée. Ce que les cinéastes sénégalais ont peut-être négligé, c’est cette capacité d’adaptation. Beaucoup continuent à produire selon des schémas hérités d’une époque où l’image relevait d’un privilège. Mais aujourd’hui, l’image appartient à tout le monde.
Cependant, il serait injuste de balayer la responsabilité de l’État et des institutions. Le manque criant de soutien structurel, les salles de cinéma délabrées, l’absence de politique culturelle ambitieuse laissent le terrain libre à l’influence des géants numériques étrangers. L’espace audiovisuel est devenu une jungle où les créateurs de contenu à la chaîne occupent le devant de la scène, pendant que les réalisateurs luttent dans l’ombre pour financer un simple court-métrage.
Faut-il pour autant diaboliser TikTok et YouTube ? Non. Ces plateformes offrent aussi des opportunités inédites de visibilité. Elles pourraient devenir des tremplins pour une nouvelle forme de cinéma, plus agile, plus connecté, mais encore faut-il que les créateurs en aient conscience et se réapproprient ces outils au lieu de les subir. Le danger ne réside pas dans l’existence de TikTok, mais dans le manque d’adaptation du cinéma sénégalais aux codes contemporains.
Alors, TikTok et YouTube tuent-ils le cinéma sénégalais ? Ils le bousculent, sans aucun doute. Ils l’éloignent des salles, le désacralisent, le fragmentent. Mais ils peuvent aussi le sauver, à condition que les artistes cessent de les considérer comme des menaces, et les envisagent plutôt comme des scènes modernes où le récit sénégalais peut encore vibrer, s’inventer, et séduire.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Fanfan.
Mis en ligne : 20/04/2025
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