Depuis 2019, l’Afrique francophone est secouée par une série de coups d’État militaires. Mali, Guinée, Burkina Faso, Niger, Gabon… À chaque fois, les mêmes scènes : des militaires en treillis face caméra, proclamant la fin d’un régime qu’ils accusent de corruption, d’inefficacité ou d’assujettissement aux puissances étrangères.
Et à chaque fois, une population partagée entre colère, résignation… et espoir. Car oui, aussi paradoxal que cela puisse paraître, ces putschs rencontrent parfois une adhésion populaire. Pourquoi ? Parce que les peuples ne renversent pas leurs institutions. Ils renversent ceux qui les ont trahies.
Ce ne sont pas les constitutions que les Africains rejettent. Ce sont les dirigeants qui les piétinent. Ce ne sont pas les institutions que les jeunes dénoncent. Ce sont les oligarchies vieillissantes, déconnectées, qui ont transformé les États en propriétés privées, servant des intérêts extérieurs plutôt que l’intérêt national. Quand la démocratie devient façade, quand le vote ne change rien, quand la justice sert les puissants et abandonne les peuples, alors certains applaudissent les bottes là où ils devraient pouvoir compter sur le bulletin.
Faut-il s’en réjouir ? Non. Car un putsch reste une blessure à l’ordre républicain. Il est une rupture, un saut dans l’inconnu, un risque d’autoritarisme encore plus grand. Mais faut-il pour autant pleurer les régimes déchus, quand ceux-ci s’étaient eux-mêmes éloignés de toute légitimité populaire ? Certainement pas.
L’Afrique n’a pas besoin de militaires au pouvoir. Elle a besoin d’institutions fortes, de dirigeants redevables, d’un contrat social refondé. Mais elle n’a plus besoin de présidents qui s’accrochent au pouvoir comme des monarques, qui étouffent l’alternance, criminalisent l’opposition, et vendent nos ressources à vil prix pendant que nos enfants meurent dans la Méditerranée.
Ces coups d’État sont le symptôme d’un mal profond : celui de la dépossession politique. L’Afrique ne rejette pas la démocratie, elle réclame sa propre démocratie, pas une copie pâle de systèmes importés, pas une démocratie de vitrine pour plaire aux bailleurs.
Alors, que les donneurs de leçons se taisent un peu. Que les ONG bien-pensantes et les chancelleries indignées regardent plus loin que le seul événement militaire : qu’ils analysent le terrain politique stérile dans lequel ces putschs ont germé. Et qu’ils comprennent qu’on ne gouverne pas éternellement un peuple contre sa volonté.
L’Afrique a besoin de justice, de dignité et de souveraineté. Et si les urnes ne suffisent plus à porter cette exigence, alors c’est un cri de rupture que l’on entend depuis 2019. Un cri que ni les blindés, ni les vieilles élites, ni les donneurs d’ordre occidentaux ne pourront faire taire.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Eve Sagna.
Mis en ligne : 25/04/2025
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