Par quelle logique, dans un pays où l’informalité règne en maître dans les foyers, peut-on sérieusement décréter des salaires minima pour les travailleurs domestiques sans poser les bases préalables d’un cadre légal viable ? Monsieur le Ministre Abass Fall, la dernière mesure prise par votre département, fixant un salaire plancher entre 64 223 FCFA et 76 996 FCFA, est non seulement irréaliste, mais elle frôle l’irresponsabilité sociale.
Dans quel Sénégal vit donc le ministère du Travail ? Le secteur des aides domestiques est majoritairement informel : pas de contrat de travail, pas de cotisations sociales, pas de régulation effective. Dans ce contexte, parler de CDI ou de CDD relève d’une farce administrative. Les employeurs ne sont ni encadrés, ni soutenus. Et quand un employé ne fait pas l’affaire, on met fin à la collaboration sans tambour ni trompette. Ce n’est pas de la cruauté, c’est le reflet d’un système où chacun se débrouille avec ses moyens.
Imposer un seuil salarial dans un pays où le pouvoir d’achat des familles stagne ou régresse, c’est mettre la charrue avant les bœufs. Comment un ménage moyen, qui peine déjà à payer sa facture d’électricité ou à remplir le panier du marché, pourrait-il assumer cette charge supplémentaire ? Qu’a prévu le gouvernement pour revaloriser les revenus des patrons de maison avant de les soumettre à de nouvelles obligations ?
À défaut d’un cadre progressif et réfléchi, cette décision risque de produire l’effet inverse : licenciements massifs, recours accru à l’emploi clandestin, précarisation généralisée. Ce sont précisément ces femmes et ces hommes que vous prétendez défendre qui en paieront le prix fort, livrés à eux-mêmes, sans contrat ni protection.
Et parlons un peu d’exemplarité. Combien de vos collègues ministres appliquent ces règles chez eux ? Où sont les preuves de vos propres contrats de travail domestique ? Ne parlez pas de légalité alors que votre propre gouvernement licencie des agents sans motif valable, piétinant le droit du travail avec un cynisme sans borne.
Les conditions de vie ne sont pas les mêmes à Dakar, à Thiès, à Matam ou dans les villages reculés. Appliquer une grille salariale uniforme est absurde, et ne tient aucun compte des réalités sociales, géographiques et économiques du pays. C’est une copie conforme du fiasco de la baisse des loyers : populiste sur le papier, impraticable dans la vie.
Monsieur le Ministre, réformer sans écouter, c’est gouverner à l’aveugle. Il est temps que vous descendiez de votre tour d’ivoire pour comprendre que la justice sociale ne se bâtit pas à coups d’arrêtés déconnectés, mais à travers une vision globale, inclusive et pragmatique.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Henriette Mané.
Mis en ligne : 01/05/2025
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