« La manipulation ne passe plus. Nous n’avons pas besoin du classement d’une organisation pour nous dire le contraire de ce que nous vivons. »
C’est avec une ironie presque cruelle que le Sénégal grimpe de 20 places dans le classement mondial de la liberté de la presse de Reporters Sans Frontières (RSF), atteignant cette année la 74e position. Une avancée « spectaculaire » sur le papier, qui cache mal une régression palpable sur le terrain. Ce classement, aussi flatteur qu’injustifiable, sonne comme une insulte à l’intelligence collective des Sénégalais et à la mémoire de ceux qui, ces dernières années, ont subi les assauts d’un pouvoir autoritaire et répressif envers la presse.
Comment peut-on parler de progrès quand, dans les faits, des médias sont arbitrairement fermés pour des motifs obscurs liés à une soi-disant non-conformité au Code de la presse ? Comment peut-on applaudir une amélioration du classement quand des journalistes sont arrêtés, intimidés, harcelés fiscalement et réduits au silence par la peur ou la censure ?
Le classement de RSF semble ici déconnecté de la réalité sénégalaise. Pire, il légitime indirectement les pratiques liberticides d’un système qui cherche à maquiller son autoritarisme par des indices flatteurs. Faut-il rappeler que des voix de journalistes indépendants ont été muselées ? Que certains médias n’ont eu d’autre choix que de cesser leurs activités faute de licence, faute de complaisance, faute d’alignement idéologique ?
Ce n’est pas une coïncidence. C’est une stratégie.
L’État sénégalais use de toutes les armes à sa disposition pour affaiblir les contre-pouvoirs médiatiques : fermetures administratives, pressions économiques, convocations arbitraires. Pendant ce temps, les institutions internationales se contentent de chiffres, d’indicateurs techniques, d’analyses aseptisées. Elles n’écoutent pas les cris étouffés dans les rédactions. Elles n’entendent pas les silences forcés qui gangrènent nos ondes.
L’évolution du classement RSF ressemble davantage à une opération de blanchiment d’image qu’à un véritable reflet de la situation. On se demande si l’objectif n’est pas de donner une caution démocratique à un État qui, dans les faits, opère une normalisation inquiétante de la répression médiatique. Et ce, dans un contexte où l’indépendance éditoriale est chaque jour un peu plus compromise.
Ce classement ne doit pas nous faire baisser la garde. Il ne doit pas nous faire croire que tout va mieux quand tout va mal. Il ne doit pas être un prétexte pour relâcher la vigilance, mais un motif de plus pour redoubler de détermination.
Le Sénégal est derrière des pays comme la Gambie, la Sierra Leone ou le Libéria ? Ce n’est pas une fierté nationale à brandir. C’est une alerte à prendre au sérieux. Car si nous n’agissons pas, si nous ne dénonçons pas cette mascarade, demain, il ne restera plus rien de cette liberté que nous pensions acquise.
La liberté de la presse ne se mesure pas à un classement. Elle se vit. Elle se défend. Elle se conquiert, chaque jour.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Pape Sané.
Mis en ligne : 04/05/2025
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