Il y a quelque chose d’effrayant et d’indécent dans cette annonce des Émirats arabes unis : introduire des cours d’intelligence artificielle (IA) dès la maternelle. Derrière le vernis séduisant des mots-clés « compétences », « avenir », « solutions intelligentes » se cache un projet dystopique : formater les enfants dès leurs premiers pas pour les rendre compatibles avec une société entièrement soumise aux logiques technologiques et capitalistes.
Qu’on se le dise : il ne s’agit pas d’éducation, mais d’endoctrinement technologique précoce. À peine sortis des couches, les enfants seront invités à penser comme des algorithmes, à raisonner selon les impératifs de l’automatisation, à préparer une vie dominée par la productivité et la surveillance permanente. Où sont passées l’émerveillement, la créativité libre, l’apprentissage par le jeu ? L’école devient un incubateur à robots dociles, des cerveaux prêts à servir un système où l’humain doit désormais rivaliser avec la machine.
Ce qui choque profondément, c’est la normalisation de cette dérive. Des ministres s’en félicitent, les médias s’en émerveillent, et les grandes puissances rivalisent d’initiatives pour suivre le mouvement. On glorifie l’IA comme jadis on glorifiait les dieux de la guerre ou du pétrole. Mais au lieu de former des citoyens libres, on prépare une main-d’œuvre obéissante, hyper-compétente en code mais émotionnellement appauvrie. Un enfant de 5 ans n’a pas besoin de comprendre les réseaux de neurones, il a besoin de comprendre ses propres émotions, les relations humaines, la nature, le réel.
L’hypocrisie est totale. Les Émirats, grands champions du pétrole, tentent une diversion en s’achetant une image de modernité technologique. Mais l’enjeu est ailleurs : contrôler les esprits, imposer une vision unique de l’avenir, et verrouiller le futur au nom de l’efficacité. Derrière les milliards d’investissements en France et ailleurs, c’est une guerre d’influence qui se joue. Celle où les États deviennent des incubateurs de Silicon Valley en version autoritaire.
Nous devrions nous indigner. L’avenir ne se construit pas à coups de puces et de plateformes. Il se construit avec du sens, des valeurs, de l’humanité. L’introduction de l’IA dans les programmes scolaires ne devrait pas être célébrée comme un progrès, mais interrogée comme une possible défaite : celle de l’enfance face à la machine, celle de la pédagogie face à l’obsession de la performance.
L’IA, oui, doit être enseignée. Mais pas au détriment de l’humain. Et certainement pas à des enfants en maternelle. Ce que l’on est en train de fabriquer, c’est une génération de petits soldats numériques. Il est encore temps de dire non.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Aminata Mané.
Mis en ligne : 06/05/2025
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