Ils pensent faire bouger les lignes, nos jeunes reporters réunis cette semaine dans des panels, répétant à l’envi les discours de leurs aînés sur la liberté de la presse et le manque de dialogue. Mais ce qu’ils ignorent, c’est qu’ils sont les pions d’une vieille mise en scène, un théâtre d’ombres savamment orchestré depuis des années. Car le vrai problème ne se trouve ni dans les critiques adressées à l’État, ni dans les injonctions des ONG, mais dans le cadre juridique obsolète qui étouffe les voix libres et populaires. Ce Code de la presse au Sénégal, loin de structurer le secteur, agit aujourd’hui comme un verrou destiné à maintenir l’ordre établi et à évincer toute alternative médiatique née de la rue, du peuple et du numérique.
Depuis l’arrivée au pouvoir du président Diomaye Faye, les anciens patrons de presse ont anticipé. Ils ont crié à la régulation, dénoncé l’informalité, appelé à l’ordre, tout en sachant que le Code de la presse au Sénégal, même révisé en 2017, n’est qu’un outil de verrouillage. Pire, ils ont piégé le régime dans une guerre d’interprétations. Agis, et tu es liberticide. N’agis pas, et tu es complice du désordre. Cette stratégie de chantage médiatique fonctionne à merveille : on agite les ONG, on invoque France 24, on parle de journées sans presse… mais au fond, ce n’est pas la liberté d’expression qui est en jeu. C’est la conservation d’un monopole idéologique, professionnel et financier.
Le véritable front, lui, se déplace. Il est désormais contre les autodidactes, les indépendants, les influenceurs de quartier qui, sans diplôme ni carte de presse, ont su gagner la confiance du peuple. Ce sont ces profils qui dérangent car ils ne sont ni achetables, ni intégrables dans les schémas anciens. Alors, on ressort l’arme la plus efficace : le Code de la presse au Sénégal. Ce texte impose dix ans d’expérience pour diriger un média. Un non-sens élitiste, dans un monde numérique où la compétence, l’engagement et l’audience remplacent les anciens tampons. Par cette clause seule, on élimine plus de 90 % des initiatives citoyennes dans le paysage médiatique.
Mais ce n’est pas tout. Le code ignore les réalités locales comme les réseaux communautaires câblés qui permettent à des milliers de familles défavorisées d’accéder à une information de proximité. Ce modèle, reconnu et régulé ailleurs, comme au Kenya, est ici laissé dans une zone grise. Pire encore, les créateurs de contenu en ligne, qui touchent des millions de vues, ne sont ni reconnus ni encadrés. Ils vivent entre admiration populaire et précarité légale. Leur tort ? Ne pas appartenir à la caste des journalistes traditionnels. Et encore une fois, c’est ce même Code de la presse au Sénégal qui les met en danger d’exclusion ou de récupération politique.
Ajoutez à cela les voix de la diaspora. Ces Sénégalais de Paris, Montréal ou New York, qui font désormais l’opinion, qui touchent plus de monde que les télévisions classiques, mais qui sont traités comme des anomalies nuisibles. On parle d’eux, on les insulte parfois, mais aucune législation ne les encadre. L’Allemagne, la France, l’Australie ont compris les enjeux. Ils adaptent leur législation aux mutations du numérique et à la montée des influenceurs. Et nous ? Nous continuons de vouloir tout faire rentrer dans un cadre figé, un carcan dépassé, un Code de la presse au Sénégal qui ignore tout du monde tel qu’il est devenu.
Il est temps d’ouvrir les yeux. Ce code n’est pas neutre. Il est un outil politique. Et les jeunes journalistes sincères doivent choisir : rester des figurants dans une pièce écrite par d’autres, ou se battre pour une refonte totale du système. Une refonte qui inclut les nouveaux acteurs, qui reconnaît l’apport des autodidactes, qui régularise sans exclure, qui protège sans censurer. Il ne s’agit plus seulement de défendre la liberté de la presse, mais de défendre la liberté d’informer, de créer, d’exister. Le Code de la presse au Sénégal, dans sa forme actuelle, est l’obstacle majeur à cette liberté-là.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Badara Sy.
Mis en ligne : 10/05/2025
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