C’était le ton donné dès le 29 avril dernier. Le Mali venait d’annoncer la suspension des partis politiques, suscitant une onde de choc dans la classe politique et les milieux diplomatiques. Moins de deux semaines plus tard, l’intitulé de cette revue de presse prend un tout autre relief : la décision est désormais officielle.
Dans une allocution solennelle diffusée hier soir sur la télévision nationale, le président de la transition, Assimi Goïta, a franchi une étape décisive : tous les partis politiques sont dissous.
Le décret présidentiel, relayé par les médias maliens, abroge la loi du 18 août 2005 portant charte des partis politiques et interdit toute activité à caractère politique. Une rupture assumée avec l’ère du pluralisme, entamée en 1991 à la chute du régime dictatorial de Moussa Traoré. « Le Mali, à l’instar du Burkina Faso et du Niger, enterre définitivement son multipartisme dans sa forme actuelle », résume Sahel Tribune, qui évoque « une décision historique », justifiée, selon les autorités, par « une exigence du peuple souverain » et inscrite dans une « dynamique de refondation nationale ».
Pour certains observateurs, cette décision ne tombe pas du ciel. Sahel Tribune rappelle que la remise en question du système partisan était sur la table depuis plusieurs années. Les partis traditionnels, accusés d’inefficacité, de clientélisme et de déconnexion des réalités populaires, avaient largement perdu la confiance d’une partie de la population. Pour ce média, la transition actuelle ouvre une nouvelle page, « une purge salutaire » face à un système qui ne servait plus, selon lui, que des intérêts particuliers.
Mais tous ne partagent pas cette lecture. Bien au contraire.
Dans ses colonnes, Arc en ciel, autre publication malienne, dénonce un recul démocratique majeur. « Dissoudre les partis politiques, c’est porter atteinte à l’une des pierres angulaires de notre contrat social », écrit le journal. Et d’ajouter : « on ne construit pas la paix en imposant le silence ». Pour Arc en ciel, cette décision nie la volonté populaire exprimée lors de l’adoption de la Constitution, qui garantissait le pluralisme politique.
Même son de cloche du côté de L’Alternance, qui dresse un constat alarmant : « le Mali se meurt ». Le média évoque un pays désormais gouverné par la terreur, les arrestations arbitraires, les enlèvements et la répression. La démocratie, selon lui, est tout simplement « caporalisée », les libertés fondamentales mises entre parenthèses.
Et les inquiétudes se multiplient. Selon Afrik.com, l’atmosphère est de plus en plus lourde dans le pays. Les arrestations et disparitions de figures de l’opposition se multiplient. Le dernier cas en date : celui d’Abdoul Karim Traoré, jeune cadre du parti Codem, dont la disparition inquiète les militants. « Dans ce contexte de peur, nombreux sont les militants qui préfèrent fuir la capitale », ajoute le site, évoquant un climat de plus en plus similaire à celui des régimes autoritaires.
Au-delà de la répression politique, la colère gronde aussi sur le plan social. Les coupures d’électricité, l’explosion des prix, les taxes téléphoniques et la prolongation indéfinie de la transition alimentent une contestation rampante que les autorités semblent vouloir étouffer par la force.
Depuis Conakry, Ledjely élargit le prisme. Le site guinéen dénonce une « confiscation de la volonté populaire » et un retour à la case départ. « Ce qui se passe actuellement au Mali n’est, hélas, qu’un nouvel épisode d’une tragédie qui hante le continent africain : des bonds en arrière incessants, des pseudo-héros toujours appelés à décevoir, des lendemains qui déchantent », écrit le média dans un éditorial au ton acerbe. La junte malienne, selon Ledjely, ne fait que répéter les erreurs de ses prédécesseurs sous des habits militaires cette fois-ci.
Article écrit par : Mariama Ba
Mis en ligne : 14/05/2025
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