La levée des sanctions économiques américaines à l’encontre de la Syrie, annoncée par le président Donald Trump mardi 13 mai, a déclenché des vagues de réjouissances dans le pays. Un acte symbolique fort, considéré par le gouvernement syrien comme un « tournant décisif » dans son long chemin de reconstruction.
Toutefois, si ce geste marque un début de renouveau, il laisse entrevoir une multitude d’obstacles qui compliqueront le rétablissement complet de l’économie syrienne, encore meurtrie par des années de guerre et d’isolement international.
La décision de Washington d’ordonner la levée des sanctions américaines, qui pesaient lourdement sur l’économie syrienne depuis le début du conflit en 2011, a été saluée par Damas. Le président Trump a affirmé que cette levée donnerait à la Syrie « une chance de grandeur ». Le ministre syrien des Finances, Mohammad Yassir Barniyeh, s’est dit optimiste, estimant que cela permettrait au pays de reconstruire ses institutions, d’offrir des services essentiels à sa population et d’attirer des investissements internationaux.
Pour Jihad Yazigi, directeur du site économique en ligne The Syria Report, la levée des sanctions américaines constitue un « signal politique très fort ». Elle signifie que « tout le monde peut à nouveau collaborer avec la Syrie, que nous repartons de zéro ». Ce changement devrait faciliter les transferts d’argent en provenance des pays du Golfe et ouvrir la voie à de nouvelles aides au développement. Un des effets immédiats les plus attendus serait la réintégration de la Syrie dans des institutions financières internationales, comme la Banque mondiale, et la possibilité d’accéder à de nouveaux crédits.
Cependant, ces avancées seront freinées par les difficultés structurelles du pays, avertit Joseph Daher, universitaire spécialisé en économie syrienne. « Il existe encore des défis considérables auxquels les dirigeants syriens devront faire face avant de pouvoir profiter pleinement des effets de cette levée », souligne-t-il.
Les sanctions américaines, qui visaient non seulement l’ancien président Bachar el-Assad mais aussi des membres de sa famille et des responsables économiques, avaient particulièrement perturbé les flux financiers, renforçant l’isolement du pays. Selon les Nations Unies, environ 90% de la population vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté.
L’un des principaux effets de la levée des sanctions américaines pourrait être une stabilisation de la livre syrienne, dont la valeur a chuté de 90% depuis le début de la guerre. Jihad Yazigi estime qu’un afflux de dollars dans le pays pourrait soutenir la monnaie et renforcer l’activité commerciale, tout en dynamisant l’économie. Cependant, comme l’indique Karam Shaar, économiste politique, la levée des sanctions prendra du temps et nécessitera des modifications législatives complexes, notamment la révision de la « loi César », qui nécessite l’approbation du Congrès américain.
La reconstruction du pays, estimée par l’ONU à plus de 400 milliards de dollars, représente un défi colossal. Plus de 500 000 morts et 10 millions de déplacés font partie du lourd bilan de quatorze ans de guerre. Selon l’ONU, seulement 1,87 million de déplacés sont revenus chez eux, et le manque d’opportunités économiques et de services de base reste le principal obstacle à leur retour.
Les pays du Golfe et de l’Europe se sont engagés à soutenir la reconstruction de la Syrie. Toutefois, cet engagement est conditionné à des progrès tangibles dans la lutte contre le terrorisme, le respect des droits humains et la protection des minorités. Lors d’une rencontre à Paris, le président français Emmanuel Macron a plaidé pour une « levée progressive » des sanctions européennes, à condition que le gouvernement syrien fasse des progrès dans ces domaines.
Dans ce contexte, l’Union européenne a commencé à assouplir certaines de ses sanctions. Le 12 mai, elle a suspendu des restrictions dans les secteurs de l’énergie, du pétrole et des transports, et permis des échanges bancaires entre institutions syriennes et européennes pour faciliter l’aide humanitaire et la reconstruction. Des dérogations ont aussi été mises en place pour permettre la reprise des investissements et des échanges dans des secteurs clés comme l’électricité et les infrastructures.
Bien que cette levée des sanctions américaines soit un premier pas vers la normalisation de la situation, le chemin vers une véritable reconstruction reste semé d’embûches. La Syrie devra faire face à un ensemble complexe de défis économiques, politiques et sociaux avant de pouvoir envisager une stabilisation durable. Le monde reste suspendu à l’évolution de cette dynamique fragile.
Article écrit par : Mariama Ba
Mis en ligne : 14/05/2025
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