Les diasporas africaines en Europe ne sont plus de simples communautés d’expatriés vivant entre deux mondes. Elles sont, ou devraient être, les acteurs stratégiques d’un basculement géopolitique, les ponts vivants entre deux continents que tout oppose et pourtant tout relie.
Mais soyons honnêtes : leur potentiel est encore largement sous-exploité, en partie par l’Europe, en partie par l’Afrique… mais surtout par elles-mêmes.
Ces diasporas entrepreneurs, artistes, chercheurs, ouvriers, militants détiennent une connaissance fine des deux réalités. Elles comprennent les codes européens tout en restant ancrées dans les cultures africaines. Cette double compétence pourrait faire d’elles des médiatrices puissantes dans les domaines économiques, politiques, culturels. Pourtant, leur voix reste marginalisée. La France, l’Allemagne, la Belgique ou l’Italie continuent de parler à l’Afrique avec condescendance, souvent sans consulter ceux qui la connaissent de l’intérieur.
Du côté africain, les gouvernements regardent leurs diasporas comme des distributeurs automatiques de devises, sans réelle volonté politique de les intégrer dans les décisions stratégiques. Alors que les transferts de fonds des diasporas africaines en Europe dépassent les investissements directs étrangers dans plusieurs pays, leur influence institutionnelle reste quasi nulle. Où sont les sièges pour la diaspora dans les parlements ? Où sont les politiques publiques ambitieuses pour canaliser leur expertise et leurs idées ?
Et les diasporas africaines en Europe elles-mêmes ? Trop souvent enfermées dans une narration de la victimisation, paralysées par les discriminations réelles qu’elles subissent, elles peinent à se structurer politiquement. Il ne suffit pas d’être visible sur Instagram ou dans une série Netflix. Il faut des lobbies puissants, des think tanks, des alliances transnationales. Il faut cesser de quémander l’inclusion et imposer sa place à la table. Les diasporas juives, arméniennes ou indiennes l’ont compris depuis longtemps.
Ce n’est plus le moment de simplement survivre ou de « représenter la culture ». Les diasporas africaines en Europe doivent devenir des forces d’influence, capables de faire pression sur les politiques européennes, de défendre des intérêts africains dans les lieux de pouvoir, de favoriser des partenariats équitables et de briser les imaginaires coloniaux encore trop présents.
La diaspora africaine en Europe doit cesser d’être un pont passif qu’on traverse, pour devenir une autoroute à double sens, où se négocient les futurs communs. Le 21e siècle sera africain, dit-on. Il ne le sera pas sans ses diasporas.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Khalifa Gueye.
Mis en ligne : 16/05/2025
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