Sous le sable rouge de Thiaroye, l’histoire tremble. Ce qui n’était jusque-là que souvenirs brisés, fragments de récits étouffés, remonte aujourd’hui à la surface. Depuis le lancement discret, mais symboliquement fort, de fouilles archéologiques au cœur de l’ancien camp militaire, les silences du massacre de Thiaroye 1944 vacillent.
Des ossements, des artefacts, des indices matériels : les premières découvertes posent les fondations d’une vérité longtemps enfouie. Une vérité capable de fissurer le récit officiel du drame le plus sensible de l’histoire coloniale franco-sénégalaise.
Tout commence le 19 février 2025, lorsqu’au cours d’un Conseil des ministres qui fera date, le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko annoncent la volonté de faire la lumière sur les événements sanglants du massacre de Thiaroye 1944. Plus de huit décennies après le massacre de soldats africains démobilisés par l’armée coloniale française, le Sénégal prend enfin l’initiative de confronter l’Histoire à l’épreuve de la terre.
Portée par une sous-commission composée d’archéologues sénégalais et d’un expert ivoirien, cette campagne de fouilles se veut résolument scientifique, mais elle porte aussi une charge hautement symbolique. Il ne s’agit plus seulement d’exhumer des ossements : c’est une mémoire muselée que l’on tente de réveiller. Pendant dix jours, les chercheurs ont sondé le sol d’un site ultra-sécurisé au sein du camp de Thiaroye, à l’abri des regards et sous étroite surveillance militaire.
Les premières trouvailles ont été jugées suffisamment graves et significatives pour justifier une prolongation immédiate des recherches. Selon une source proche du dossier citée par L’Observateur, « des éléments horribles » ont été découverts, forçant le gouvernement à accorder dix jours supplémentaires aux fouilles. À ce stade, aucun détail n’a filtré officiellement, mais les confidences rapportées laissent entrevoir des preuves matérielles susceptibles de contredire les versions officielles.
Désormais, plus aucun drone ne survole Thiaroye. Par arrêté, les autorités ont interdit tout survol de la zone. Caméras proscrites, périmètre verrouillé, présence militaire renforcée : la discrétion est totale. Cette précaution vise autant à préserver la sensibilité du site qu’à protéger l’intégrité scientifique des investigations sur le massacre de Thiaroye. Le gouvernement ne veut prendre aucun risque. Ce qui se joue à Thiaroye, c’est plus qu’une opération de fouilles : c’est un face-à-face avec l’oubli, un bras de fer avec l’amnésie coloniale.
Le Pr Moustapha Sall, vice-président de la sous-commission, avait pressenti la portée de ces fouilles bien avant leur lancement. Dans un entretien au L’Observateur, il déclarait : « Nos archives ne sont pas dans les bibliothèques. Elles ne sont pas dans les discours. Ce qu’ils ont fait, la terre le sait encore. » Une phrase qui résonne aujourd’hui avec une acuité particulière. Car les premières découvertes semblent confirmer ce que les témoins n’ont jamais pu crier à pleine voix : qu’un massacre a bien eu lieu, que des corps furent ensevelis à la hâte, que la version coloniale avait soigneusement effacé les traces.
Ce que les scientifiques espèrent désormais, c’est que les os parlent. Ou plutôt, qu’ils crient. Des squelettes, s’ils sont retrouvés, pourraient livrer des informations capitales : la nature des blessures, la typologie des armes utilisées, la position des corps. « Si on a la chance de retrouver des squelettes mutilés, on pourra même déterminer la nature des balles utilisées. Ce ne seront plus des hypothèses. Ce sera la vérité », affirme le Pr Sall.
En attendant les conclusions finales, une certitude se dessine : l’Histoire, longtemps verrouillée, est en train de s’ouvrir. Thiaroye n’est plus seulement un nom tragique dans les manuels scolaires. C’est un terrain vivant, un procès en gestation, une justice en marche. Pour les descendants des tirailleurs, pour les historiens, pour le pays tout entier, ces fouilles représentent une réparation attendue. Un hommage tardif, mais puissant.
Et lorsque le rapport final sera remis au président Diomaye Faye et au Premier ministre Sonko, c’est peut-être tout un pan de l’histoire coloniale qui devra être réécrit. Cette fois, à partir de preuves. À partir de la terre.
Article écrit par : Maimouna Ngaido
Mis en ligne : 22/05/2025
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