La photo fait la une des journaux sud-africains. Donald Trump, droit dans son fauteuil jaune du Bureau ovale, fait face à un Cyril Ramaphosa plus réservé. Une scène capturée devant un parterre de journalistes, symbole d’un rendez-vous diplomatique qui aura viré au bras de fer politique.
Selon le quotidien Cape Times, la rencontre, officiellement consacrée au commerce et aux minerais stratégiques, avait pourtant bien commencé. Ambiance cordiale, plaisanteries sur le golf — deux figures sud-africaines du fairway, Ernie Els et Retief Goosen, avaient même été conviées dans la délégation. Mais très vite, la discussion bascule. Le président américain exhibe une vidéo et plusieurs documents censés prouver, selon lui, une persécution des fermiers blancs en Afrique du Sud et des confiscations de terres. Des accusations graves, sans fondement, mais que Trump martèle depuis des mois.
Cyril Ramaphosa, visiblement pris au dépourvu, tente de rétablir les faits. Il dément, s’efforce d’apaiser, évoque la figure tutélaire de Nelson Mandela, le pluralisme de la coalition au pouvoir, et la Constitution sud-africaine. Une défense jugée trop timide par nombre d’observateurs.
Pour Mail & Guardian, les priorités économiques ont vite été éclipsées par cette offensive de Trump. Le journal évoque une réunion détournée de son objet, et une occasion manquée pour l’Afrique du Sud.
Une « embuscade », dénonce sans détour Cape Times, qui compare même la scène à celle vécue par le président ukrainien Volodymyr Zelensky face à Trump, quelques mois plus tôt.
Mais c’est surtout The Star qui se montre impitoyable… envers Ramaphosa. Le journal titre sur « l’occasion ratée » de repositionner le pays comme acteur stratégique du continent. « Il ne s’agissait pas seulement de démentir les statistiques douteuses sur la criminalité rurale, mais d’incarner une vision de l’Afrique du Sud moderne, stable, ouverte », critique le quotidien. « Le pays n’est pas au bord de l’effondrement racial », martèle The Star, qui rappelle l’existence de plus de 600 entreprises américaines installées sur le sol sud-africain, un marché boursier solide, et une justice indépendante — autant d’éléments restés absents de la bouche de Ramaphosa.
Même son de cloche à Le Monde Afrique, à Paris, qui parle d’une défense « par le sourire » face à une attaque frontale. Le journal note l’absence de réponse claire aux accusations de « génocide » des Afrikaners, et souligne le malaise d’un président « frottant ses mains », visiblement indécis, entre retenue diplomatique et nécessité de défendre l’honneur national.
Les faits, pourtant, sont têtus. Le Monde Afrique le rappelle : oui, les meurtres dans les fermes existent, mais ils restent marginaux dans un pays où plus de 27 000 homicides ont été recensés entre mars 2023 et mars 2024. Et les victimes ne sont pas exclusivement blanches : travailleurs agricoles noirs et vigiles paient également un lourd tribut à l’insécurité rurale.
Mais ces nuances risquent peu d’ébranler les convictions du monde MAGA, ironise Le Monde Afrique, pour qui la réalité peine à traverser les murs de la Maison-Blanche.
Dans un ton plus caustique, L’Observateur Paalga, au Burkina Faso, résume la scène en une formule animalière : « le springbok face au pitbull de la Maison-Blanche ». Et d’ajouter, résigné : « avec Trump, tout finit toujours en transaction. Ramaphosa devra céder quelque chose : des facilités dans l’exploitation des minerais rares, peut-être. Car le terrain était miné. Et le président sud-africain, mal préparé. »
Un tête-à-tête qui, au final, aura surtout mis en lumière les fragilités diplomatiques d’un chef d’État face à l’imprévisibilité brutale de l’ex-président américain.
Article écrit par : Amadou Diop
Mis en ligne : 22/05/2025
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