Rendre des comptes est une exigence fondamentale, à la fois politique, juridique et morale. Il est largement admis que l’exercice du pouvoir implique des responsabilités. Dès lors, le principe de reddition des comptes ne devrait faire l’objet d’aucune controverse.
Cependant, dans la réalité sénégalaise, cette exigence a toujours été difficile à mettre en œuvre, quel que soit le régime en place. Le premier à s’être engagé dans la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite fut le Président Abdou Diouf. Malheureusement, cette volonté s’est soldée par un échec retentissant, au point que la juridiction créée à cet effet est tombée dans l’oubli.
Son successeur, le Président Abdoulaye Wade, n’a guère fait mieux dans ce domaine, malgré les attentes fortes de l’opinion publique. Puis, à l’arrivée de Macky Sall, une tentative de relance fut opérée, notamment sous l’impulsion de sa ministre de la Justice, Aminata Touré, avec la remise en marche de la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite (CREI), une institution initialement mise en place sous Diouf. Hormis les cas emblématiques de Karim Wade, fils de l’ancien président, et de Tahibou Ndiaye, ancien directeur du cadastre, cette juridiction n’a pas connu de suite significative.
Dans un tel contexte, peut-on espérer un réel tournant sous le duo Diomaye Faye – Ousmane Sonko en matière de lutte contre les détournements de fonds publics ? Il est sans doute trop tôt pour se prononcer. L’avenir seul nous apportera une réponse claire.
Mais au-delà de l’aspect judiciaire, il convient de s’interroger sur les répercussions économiques d’une politique de reddition des comptes menée de manière trop brutale. Ne risque-t-elle pas de plonger certains acteurs économiques dans une inquiétude telle qu’ils choisissent de suspendre leurs activités ? Nombreux sont les opérateurs du secteur informel ou du commerce à rendement rapide tels que les marchands de terrains ou les importateurs qui préfèrent, dans ce climat d’incertitude, adopter une attitude attentiste. Cela contribue à nourrir la perception répandue selon laquelle « l’argent ne circule plus ».
En définitive, si la reddition des comptes demeure indispensable pour restaurer la confiance dans les institutions et assainir la gouvernance, elle doit être conduite avec discernement. Il s’agit de mettre en place des mécanismes efficaces, mais équilibrés, afin de ne pas compromettre le dynamisme économique du pays.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Amadou Kane.
Mis en ligne : 28/05/2025
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