Un vent de renouveau souffle sur la scène politique sénégalaise. Le président Bassirou Diomaye Faye a lancé, jeudi, un dialogue national que beaucoup qualifient déjà d’historique. L’événement, largement salué par la presse nationale, marque une rupture assumée avec les pratiques du passé.
En une, Le Soleil titre sans détour : « Cap sur un nouveau pacte démocratique ». Pour le quotidien public, ce dialogue n’est pas un simple exercice cosmétique destiné à calmer les tensions. Il s’inscrit dans une dynamique inédite : celle d’un pouvoir fraîchement élu, porté par une volonté de refondation profonde et agissant dans un climat apaisé.
« Longtemps perçus comme des exercices de rattrapage organisés sous pression, les dialogues politiques au Sénégal survenaient généralement lorsque le pouvoir était acculé, à la recherche d’une porte de sortie. Cette fois, il n’en est rien », souligne le journal.
Le site Senego ne cache pas non plus son optimisme : « L’heure du changement a sonné », écrit-il, évoquant une concertation qui vise à « repenser en profondeur l’architecture politique et électorale du Sénégal dans un esprit d’inclusion et de cohésion nationale ». Lors de son discours d’ouverture, le président Faye a réaffirmé son attachement à un système politique plus équitable, prônant une participation pleine et entière de tous les acteurs de la vie publique.
Les contours du dialogue sont clairs. Dakar Matin en détaille les trois grands axes.
Premier volet : Démocratie, libertés et droits humains, avec des discussions sur la rationalisation du paysage politique, le financement des partis, le statut de l’opposition et la révision des libertés publiques.
Deuxième point : Processus électoral, où figurent notamment la réforme du parrainage, l’introduction du bulletin unique, l’audit du fichier électoral et l’inscription automatique des électeurs.
Enfin, troisième axe : Réformes institutionnelles, avec des propositions ambitieuses comme la transformation du Conseil constitutionnel en Cour constitutionnelle, la création d’un organe indépendant pour la gestion des élections, et un débat sur le rôle de l’organe de régulation des médias.
Un dialogue sous tension
Mais derrière cette volonté de réforme, le contexte reste tendu. Le Monde Afrique rappelle que plusieurs formations politiques, dont celle de l’ancien président Macky Sall, ont boycotté la cérémonie d’ouverture. Le climat est alourdi par les poursuites judiciaires visant plusieurs figures de l’ancien régime : pas moins de cinq ex-ministres ont été inculpés pour malversations présumées. Malgré tout, la majorité de l’opposition a répondu présente, un signe encourageant pour la suite des débats.
Jeune Afrique remet en perspective ce dialogue, en soulignant qu’il s’agit du quatrième du genre depuis l’indépendance. Les précédents avaient souvent été convoqués dans des contextes de crise aiguë, comme celui de mai 2023, à la veille de la condamnation d’Ousmane Sonko, ou celui de février 2024, en pleine crise préélectorale. Le contexte actuel n’échappe pas totalement à cette tradition, marqué par des tensions persistantes entre les camps Diomaye-Sonko et Macky Sall.
Dans une tribune vibrante publiée par Walf Quotidien, le poète Amadou Lamine Sall lance un appel à la raison : « De grâce, ne sortez pas les revolvers ! Parlons-nous ! » écrit-il, insistant sur la fragilité de l’édifice démocratique sénégalais. « Le pays est debout, mais encore inachevé, corrompu par des contestations récurrentes », déplore-t-il. Pour lui, ce dialogue doit déboucher sur une politique « décente, responsable, éthique, sécuritaire », fondée sur des institutions solides et une justice libre, sans renier l’autorité de l’État.
Ce dialogue national est donc plus qu’un simple exercice politique : il est une tentative de restaurer la confiance, d’assainir les pratiques et de poser les fondations d’une démocratie plus mature. Reste à voir si les intentions affichées se traduiront par des réformes concrètes. Les prochaines semaines seront décisives pour juger de la sincérité de cette nouvelle ère annoncée.
Article écrit par : Maimouna Ngaido
Mis en ligne : 29/05/2025
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