À l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement, jeudi 5 juin, des médecins généralistes ont tiré la sonnette d’alarme : le cadmium, métal lourd aussi dangereux que le plomb ou le mercure, serait impliqué dans la hausse des cas de cancer du pancréas, en particulier chez les jeunes et les enfants.
La France, la Belgique, et plus largement l’Europe, sont concernées par cette alerte sanitaire. Et pourtant, cela fait près de vingt ans que l’Union européenne a entrepris de lutter contre ce polluant insidieux.
En France, la contamination au cadmium provient en grande partie de l’utilisation d’engrais phosphatés dans l’agriculture. Ces substances chimiques se retrouvent ensuite dans l’alimentation courante, notamment dans les céréales du petit déjeuner, le pain, ou encore les pommes de terre. Ce sont surtout les femmes et les enfants qui sont les plus exposés, selon les Unions régionales des professionnels de santé-Médecins Libéraux (URPS), qui plaident pour un recours accru à l’agriculture biologique.
Dans un communiqué publié le 5 juin, les professionnels de santé alertent : « Nous assistons à une explosion des cas de contamination chez les jeunes enfants. » Une situation qu’ils imputent directement à l’épandage d’engrais riches en cadmium, dont les résidus migrent jusque dans les assiettes des familles.
Dès 2006, l’Union européenne a restreint l’usage du cadmium, en l’interdisant dans des produits comme les plastiques, les peintures ou les bijoux. L’objectif : limiter l’exposition des citoyens à une substance jugée à l’époque déjà « inacceptable pour l’homme et l’environnement », selon les mots de la Commission européenne.
La législation s’est progressivement renforcée. En 2013, les députés européens ont banni le cadmium dans les batteries. Puis, des efforts ont été faits pour réduire sa présence dans les pesticides, principale voie d’exposition alimentaire. Mais les résistances au sein des États membres freinent les avancées.
Après des années de négociations complexes et face à la pression des lobbys agricoles et industriels, l’UE a fixé en 2019 une limite de 60 mg de cadmium par kilo d’engrais – un plafond largement supérieur aux 20 mg recommandés par les experts. Cette norme devait être réévaluée en 2026, mais l’avenir de cette révision reste incertain, notamment en raison des tensions autour du Pacte vert européen (Green Deal), qui vise à réduire de moitié l’usage des pesticides.
Les enfants, eux, paient déjà le prix fort. D’après le cardiologue Pierre Souvet, interrogé par RFI, plus d’un tiers des enfants de moins de trois ans absorbent quotidiennement des doses supérieures au seuil de sécurité. « Le cadmium est un cancérigène reconnu, qui altère la fertilité et favorise les maladies cardiovasculaires », alerte-t-il. Et la menace est d’autant plus grave qu’il s’agit d’un métal qui s’accumule dans l’organisme tout au long de la vie.
Selon Santé publique France, les niveaux de contamination des enfants français sont 4 à 5 fois plus élevés que ceux observés chez leurs homologues allemands, danois ou américains. « Partir avec un taux élevé dès l’enfance expose à un risque sanitaire accru à l’âge adulte », souligne le spécialiste.
Face à cette situation, les médecins encouragent à revoir les habitudes alimentaires : éviter une consommation excessive de produits comme les céréales industrielles, le pain ou les biscuits au petit déjeuner, et privilégier le bio, qui contient en moyenne 48 % de cadmium en moins.
Les fumeurs – la cigarette étant une source de cadmium – ainsi que les personnes vivant à proximité de sites industriels (notamment dans la métallurgie), présentent également des niveaux d’imprégnation plus élevés, précise l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).
Cette dernière a d’ailleurs annoncé qu’elle rendra d’ici la fin de l’année un rapport d’évaluation sur l’exposition des Français au cadmium. L’objectif : identifier des leviers concrets pour réduire l’imprégnation de la population.
Article écrit par : Emilie Dème.
Mis en ligne : 06/06/2025
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