Du 22 au 27 juin, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko effectuera sa toute première visite officielle hors du continent africain, en Chine. Cette initiative a été saluée par certains comme un tournant stratégique dans les relations extérieures du Sénégal.
Mais derrière cet enthousiasme affiché, un questionnement s’impose : cette visite est-elle réellement dans l’intérêt du Sénégal ? Adopter un regard critique, c’est refuser de céder à l’euphorie diplomatique pour mieux analyser les conséquences possibles d’un rapprochement déséquilibré avec une puissance comme la Chine.
La Chine s’est imposée ces dernières années comme l’un des partenaires économiques majeurs de l’Afrique. Routes, hôpitaux, stades et aéroports… nombreux sont les projets financés par Pékin sur le continent. Le Sénégal, comme bien d’autres pays africains, a bénéficié de ces investissements. Mais ces aides ne sont jamais gratuites. Elles s’accompagnent souvent de prêts colossaux, de concessions sur les ressources naturelles et de contrats favorisant largement les entreprises chinoises, au détriment des industries locales.
Le voyage de Sonko en Chine pourrait déboucher sur la signature de nouveaux accords de coopération dans des secteurs stratégiques tels que les infrastructures, l’énergie ou les télécommunications. Toutefois, si ces accords ne sont pas rigoureusement encadrés, ils risquent d’aggraver la dépendance économique du Sénégal. Il est légitime de craindre que des entreprises locales, déjà fragilisées par une concurrence déloyale, soient mises hors-jeu par l’arrivée de géants chinois souvent subventionnés et soutenus par un État tout-puissant.
En misant trop lourdement sur la Chine, le Sénégal court le risque de céder une partie de sa souveraineté économique. Les exemples d’autres pays africains sont éclairants : au Kenya, une portion du port de Mombasa a failli être saisie en garantie d’un prêt impayé à la Chine. À Djibouti, Pékin contrôle désormais une part significative des infrastructures portuaires stratégiques. Cette présence croissante est souvent associée à une influence politique qui dépasse le cadre commercial.
La Chine impose généralement des conditions très strictes : emploi de main-d’œuvre chinoise, exportation des profits, non-transfert de technologies… En clair, peu de bénéfices pour les populations locales. De plus, l’opacité qui entoure souvent la signature de ces accords empêche toute transparence et contrôle citoyen. Si le gouvernement sénégalais n’établit pas un cadre clair de coopération gagnant-gagnant, c’est l’économie nationale qui en paiera le prix.
Des pays comme l’Éthiopie ou l’Angola, autrefois séduits par l’argent facile venu de Pékin, ont aujourd’hui du mal à se relever de la spirale de l’endettement. En comparaison, certains États qui ont diversifié leurs partenariats, comme le Ghana ou le Maroc, montrent une plus grande résilience économique.
La visite de Sonko en Chine pourrait être historique, mais elle ne doit pas être symbolique au détriment des intérêts du Sénégal. Le pays doit refuser de devenir un marché captif ou un réservoir de matières premières pour une puissance étrangère. Il est impératif que le gouvernement adopte une posture de fermeté, de transparence et de souveraineté dans ses négociations.
Il est temps de privilégier un développement autonome, durable et centré sur les besoins réels des Sénégalais. Le Sénégal ne doit pas vendre son avenir pour des accords signés à la hâte. Restons vigilants.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Cheikh Gueye.
Mis en ligne : 07/06/2025
—
La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.