Depuis son ascension à la primature, Ousmane Sonko fait l’objet d’une attention médiatique constante, notamment pour sa posture inhabituelle dans les affaires internationales. Dans un article publié par RFI, le professeur Maurice Soudieck Dione avance que Sonko n’est pas un Premier ministre « ordinaire », en raison de son rôle central dans l’élection de Diomaye Faye et du contrôle parlementaire qu’il exerce.
S’il reconnaît que cette configuration suscite des interrogations, il y voit une dynamique démocratique « normale ». Cette diplomatie parallèle, incarnée par un chef du gouvernement peu aguerri aux codes de la scène internationale, risque de porter atteinte à la crédibilité du Sénégal.
L’arrivée conjointe de Diomaye Faye et d’Ousmane Sonko à la tête de l’exécutif sénégalais marque une rupture avec les pratiques classiques du pouvoir. L’un incarne la légitimité institutionnelle, l’autre, la ferveur militante. Mais en diplomatie, l’enthousiasme révolutionnaire ne saurait remplacer l’expertise. Or, Sonko semble déterminé à s’impliquer personnellement dans les affaires étrangères, comme en témoigne sa récente représentation du président à l’investiture de Paul Kagame au Rwanda.
Ce geste, pourtant symbolique, interroge. En effet, dans les régimes présidentiels comme celui du Sénégal, la diplomatie est traditionnellement et constitutionnellement l’apanage du président de la République. La multiplication de ces incursions diplomatiques par Sonko brouille les lignes et expose le pays à une confusion néfaste dans sa communication internationale.
La diplomatie ne s’improvise pas. Elle repose sur des codes subtils, des rapports d’influence, une finesse d’analyse et une capacité d’adaptation aux jeux d’alliances régionales et internationales. Or, Ousmane Sonko, aussi charismatique soit-il sur le plan national, n’a pas encore démontré une maîtrise de ces enjeux.
Ses premières prises de position à l’international, souvent teintées d’idéologie, peuvent être perçues comme mal calibrées. Par exemple, ses déclarations sur le panafricanisme ou sa posture critique envers certains partenaires historiques du Sénégal ont suscité des réactions contrastées. Dans un monde où l’équilibre diplomatique repose sur la mesure et la constance, cette approche peut se révéler contre-productive.
Des chefs de gouvernement qui ont tenté de mener une diplomatie parallèle dans des régimes présidentiels ont rarement été couronnés de succès. En Côte d’Ivoire, Guillaume Soro, alors président de l’Assemblée nationale, avait voulu peser sur la scène internationale, provoquant des tensions avec la présidence. En France, même dans un régime semi-présidentiel, les ministres doivent veiller à ne pas empiéter sur le domaine réservé du chef de l’État. Le cas sénégalais n’échappe pas à cette logique.
Le Sénégal a toujours joui d’une image stable et respectée sur la scène internationale, grâce à une diplomatie professionnelle, mesurée et centrée autour de la présidence. Si l’on veut préserver cette image et éviter les faux-pas, il est impératif de recentrer la politique étrangère entre les mains du président Diomaye Faye, tout en laissant à Ousmane Sonko le soin de se concentrer sur les urgences nationales, économiques et sociales.
L’expérience diplomatique ne s’acquiert ni dans les rues de la contestation ni dans les cercles partisans. Elle se cultive avec humilité, apprentissage et responsabilité. Ousmane Sonko a certes un rôle central au sein de l’exécutif, mais sa volonté d’endosser un costume diplomatique pour lequel il n’est pas préparé pourrait nuire à l’image du Sénégal. Des frontières claires entre la primature et la présidence doivent être tracées pour éviter une cacophonie préjudiciable à notre position sur l’échiquier international.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Michel Gueye.
Mis en ligne : 08/06/2025
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