Le 9 juin 2025, le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) de la République démocratique du Congo (RDC) a décidé de transformer en « recommandation » l’interdiction initiale imposée aux médias de couvrir les activités de Joseph Kabila et de son parti, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD).
Cette mesure, annoncée en début juin, avait suscité une forte controverse, tant elle menaçait gravement la liberté de la presse dans un pays où les institutions démocratiques restent fragiles. Si cette « recommandation » peut paraître moins contraignante, elle constitue en réalité une pression insidieuse, une forme de censure déguisée qui appelle à une réflexion sérieuse sur ses implications pour la liberté d’expression et la démocratie en RDC.
Pour bien comprendre la gravité de la situation, il faut replacer cette décision dans son contexte. L’ancien président Joseph Kabila séjourne à Goma, une ville située dans l’est du pays, aujourd’hui en partie sous le contrôle du groupe rebelle M23. La RDC traverse une période de tensions intenses, avec une armée fragilisée et une communication officielle très encadrée. Dans ce climat, le CSAC a pris une mesure drastique, interdisant aux médias de relayer toute information liée à Kabila et à son parti sous prétexte d’éviter la démoralisation des forces armées. Puis, face au tollé, cette interdiction a été transformée en simple recommandation invitant les journalistes à faire preuve de « professionnalisme » en s’auto-censurant.
Cette évolution est loin d’être neutre. En pratique, cette recommandation agit comme une menace implicite : elle incite les médias à éviter toute couverture susceptible de « démoraliser » les forces armées, sans définir clairement ce qui relève de cette démoralisation. Ce flou juridique ouvre la porte à une autocensure systématique, par peur de sanctions. La liberté de la presse, pilier de toute démocratie, est ainsi sacrifiée sur l’autel d’une prétendue stabilité sécuritaire.
Un parallèle frappant peut être fait avec d’autres pays où des mesures similaires ont été prises, notamment en Russie ou en Turquie, où le contrôle des médias passe souvent par des restrictions déguisées en recommandations ou « conseils » aux journalistes. Ces mécanismes, sous des dehors apparemment souples, instaurent un climat de peur et de silence, étouffant le débat public et le droit à l’information. En RDC, cette situation est d’autant plus alarmante que le paysage médiatique reste fragile et que les enjeux politiques sont élevés.
De surcroît, cette pression exercée sur les médias fragilise la démocratie congolaise. La capacité des citoyens à s’informer librement est indispensable pour garantir la transparence et la reddition de comptes. En décourageant les journalistes de couvrir certaines personnalités ou partis, on prive la population d’une part essentielle du débat politique, on biaise l’information, et on alimente la méfiance envers les institutions. Au final, c’est le principe même de la démocratie qui est mis à mal.
Pour toutes ces raisons, cette « recommandation » ne doit pas être simplement acceptée comme une mesure temporaire ou inoffensive. Elle doit être perçue pour ce qu’elle est : une forme de censure déguisée, un contrôle indirect de la presse qui ne saurait trouver sa place dans un État qui se prétend démocratique. Les autorités congolaises, ainsi que les acteurs internationaux, doivent exiger le rétablissement plein et entier de la liberté de la presse, sans restrictions ni intimidations.
Derrière le terme vague de « recommandation », c’est bien une menace réelle qui pèse sur la liberté d’expression en RDC. Cette mesure, loin d’être un compromis raisonnable, est un recul dangereux pour la démocratie congolaise. Il est impératif que les médias congolais restent libres et courageux, et que la communauté internationale soutienne fermement leur droit à informer sans entraves. Le silence imposé aujourd’hui risque de préparer la chute demain : face à la menace d’une censure déguisée, il faut choisir clairement la liberté et la vérité.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Abdoulaye Sow.
Mis en ligne : 11/06/2025
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