Ce lundi 23 juin 2025, la colère a éclaté à Thiaroye-sur-Mer. Des jeunes ont bloqué la Route Nationale 1 pour protester contre un projet d’aménagement du quai. Ils dénoncent une décision unilatérale du gouvernement, imposée sans concertation, sur fond de conflits fonciers non résolus.
Ce fait divers, en apparence banal, révèle en réalité une pratique devenue récurrente : un développement imposé d’en haut, sans tenir compte des réalités locales. Nous condamnons fermement cette manière de gouverner qui rappelle dangereusement les logiques coloniales d’autrefois.
Thiaroye-sur-Mer, localité emblématique du littoral dakarois, fait face depuis des années à de nombreux problèmes fonciers. Des familles y vivent dans une précarité juridique constante, sans titres de propriété clairs, alors même que leur ancrage territorial est ancien. Dans ce contexte de tension, l’annonce d’un projet d’aménagement du quai sans consultation préalable ni résolution des litiges a été perçue, à juste titre, comme une provocation.
Cette contestation à Thiaroye-sur-Mer est bien plus profonde que la simple obstruction d’une route. Il traduit une exaspération populaire face à un pouvoir qui décide sans dialogue. Le projet de quai, censé incarner le progrès, apparaît comme une énième manifestation d’un autoritarisme technocratique. Les jeunes manifestants, loin d’être des « fauteurs de troubles », se dressent comme les gardiens d’une dignité collective bafouée.
Ce mode opératoire n’est pas neuf : sous couvert de développement, l’État multiplie les interventions unilatérales, souvent soutenues par des financements étrangers, au nom de l’intérêt général un intérêt défini sans les premiers concernés. Ce n’est pas de la gouvernance. C’est une recolonisation symbolique.
En colonie, les décisions se prenaient à Saint-Louis ou Paris. Aujourd’hui, elles viennent des bureaux climatisés de Dakar. Ce changement d’adresse n’a pas modifié le fond du problème : les populations locales restent silencieux. Le pouvoir impose, les communautés encaissent. Dans l’affaire de Thiaroye, comme dans d’autres cas récents (le dragage forcé à Bargny, la démolition de maisons à Pikine pour des projets autoroutiers), la logique reste la même : la terre est exploitée, non partagée.
Au Brésil, dans les favelas de Rio, des projets olympiques ont mené à des expulsions massives sans alternative viable. En Éthiopie, des infrastructures routières ont rasé des terres agricoles sans compensation. Partout, les mêmes erreurs produisent les mêmes violences : imposer des projets sans dialogue, c’est créer les conditions d’une fracture sociale. Le Sénégal doit refuser d’emprunter ce chemin.
Le gouvernement sénégalais doit cesser d’ériger le béton sans bâtir la confiance. Le cas de Thiaroye-sur-Mer n’est pas un incident isolé, mais un symptôme d’un mal plus profond : l’absence de participation citoyenne réelle. Moderniser n’est pas coloniser. Le développement ne peut être qu’un processus partagé, où chaque voix compte.
Citoyens, collectifs, journalistes, juristes : exigeons une refonte de nos politiques publiques. Refusons les décisions imposées sans débat. Et rappelons à nos dirigeants que Thiaroye n’est pas un terrain vague, mais un lieu de mémoire, de vie, de résistance.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Aissatou.
Mis en ligne : 23/06/2025
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