Le Sénégal est sous le choc : un père, A. Diène, est accusé d’avoir abusé sexuellement de sa propre fille pendant plus d’un an. L’horreur de cette affaire est décuplée par l’implication présumée de la mère, A. Ndiaye, qui aurait gardé le silence malgré les confidences déchirantes de sa fille. Mais ce que certains appellent une complicité volontaire mérite d’être réexaminé. Et si, au lieu d’une complice cynique, A. Ndiaye était une femme sous emprise ? Une victime, elle aussi, non pas de violence physique, mais d’une violence mentale et spirituelle insidieuse, bien connue au Sénégal : le maraboutage.
Dans cette affaire sordide, les faits sont accablants. La mère, bien qu’au courant des abus, aurait dissuadé sa fille de dénoncer son père, craignant le scandale et protégeant la réputation de ce dernier. Mais peut-on expliquer une telle passivité uniquement par la peur ou l’ambition ? Dans une société sénégalaise où les pratiques occultes maraboutage, gris-gris, sortilèges sont encore profondément ancrées, il est essentiel d’envisager une autre réalité : celle d’une emprise mystique sur la conscience d’une mère.
Le maraboutage n’est pas un mythe folklorique. C’est un phénomène psychospirituel réel, qui affecte la perception, le jugement, et parfois même le libre arbitre des personnes. De nombreux témoignages de femmes piégées dans des relations toxiques ou destructrices évoquent le sentiment d’être « bloquées », incapables de réagir, comme si leur esprit était enfermé. Le fait que A. Diène ait offert une villa à son épouse pour acheter son silence pourrait, dans une telle configuration, relever non pas d’un simple troc matériel, mais d’un acte de domination renforcé par des pratiques mystiques.
Le maraboutage est parfois utilisé comme un outil de contrôle, notamment dans des relations de couple déséquilibrées, où un des partenaires cherche à obtenir obéissance ou soumission. Des cas similaires ont été signalés dans plusieurs régions du Sénégal, où des femmes se sont dit mentalement paralysées, incapables d’agir contre un conjoint abusif. Cela ne retire rien à la gravité de leur silence, mais cela remet en cause la notion de complicité consciente.
En Occident, on parle de « syndrome de Stockholm », de manipulation mentale, ou de violence psychologique. Au Sénégal, ces réalités prennent parfois la forme du maraboutage. C’est une autre forme de pouvoir, de contrôle, mais les conséquences sont comparables : la perte de la volonté propre. Il est temps de considérer ces dimensions culturelles dans l’analyse de cas aussi sensibles.
A. Ndiaye n’est peut-être pas une complice au sens judiciaire du terme. Elle pourrait être une autre victime du même homme : prise au piège entre les pressions sociales, la peur du scandale et une emprise occulte. Si la justice doit faire son travail, la société, elle, doit s’interroger sur les formes invisibles de domination qui paralysent les consciences. Cela implique de briser les tabous autour du maraboutage, d’éduquer, de sensibiliser, et surtout de protéger les femmes même contre l’invisible.
Il faut briser le silence autour du maraboutage, créer des espaces de parole pour les femmes sous emprise. Et surtout, refuser les jugements faciles. Il ne peut y avoir de justice sans compréhension.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Eve Sagna.
Mis en ligne : 24/06/2025
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