Dans une société qui se veut démocratique, fondée sur la primauté du droit, la présomption d’innocence n’est pas un luxe, mais une exigence. Or, depuis la réapparition de Nabou Lèye sur les réseaux sociaux, une partie de l’opinion publique s’est érigée en tribunal populaire, la condamnant sans appel. Cette tendance est dangereuse, injuste et indigne d’un État de droit. Face à cet acharnement, il est crucial de rappeler qu’elle a droit, comme tout citoyen, à la présomption d’innocence.
Inculpée pour association de malfaiteurs et complicité d’assassinat dans une affaire tragique qui a coûté la vie à Aziz Dabala et à son neveu, Nabou Lèye a été libérée sous contrôle judiciaire après deux mois de détention. Depuis, la jeune actrice vit en recluse, privée de son activité professionnelle, coupée du monde artistique et soumise à un suivi judiciaire strict. Pourtant, c’est à la suite d’une vidéo banale un sourire, une danse que l’opinion s’est enflammée.
Ce que vivent aujourd’hui Nabou Lèye et sa famille est symptomatique d’un mal plus profond : l’influence toxique des réseaux sociaux dans les affaires judiciaires. Dans l’esprit collectif, elle ne peut plus pleurer en silence, ni sourire en public sans que cela ne soit interprété comme une preuve de culpabilité ou d’indifférence. Cette confiscation de son humanité est inacceptable. Comment une société peut-elle revendiquer la justice tout en s’autorisant le lynchage d’une femme qui n’a pas encore été jugée ?
La présomption d’innocence est un droit fondamental inscrit dans notre Constitution et dans toutes les grandes conventions internationales de droits humains. À ce jour, aucun tribunal n’a rendu de verdict contre Nabou Lèye.
L’instruction est en cours, encadrée par des magistrats formés et compétents. Que les citoyens s’impatientent ou doutent n’autorise pas l’opinion publique à se substituer à la justice.
La douleur n’a pas de forme unique. L’exiger en larmes publiques ou en silence absolu est non seulement cruel, mais aussi sexiste, tant cela révèle une volonté de contrôle du comportement des femmes face à la douleur.
L’isolement social imposé à Nabou Lèye, couplé à la perte de ses revenus, constitue déjà une double peine illégitime. Qui sommes-nous pour en rajouter une troisième par le mépris, la suspicion et la haine ?
Aux États-Unis, en France ou en Afrique du Sud, les justiciables célèbres bénéficient malgré la pression médiatique d’un respect plus strict de la présomption d’innocence. Les sorties publiques d’acteurs inculpés ne sont pas systématiquement considérées comme provocantes. Pourquoi en serait-il autrement au Sénégal ? Pourquoi un sourire d’une jeune femme en liberté provisoire deviendrait-il une faute morale ?
La justice ne se rend ni sur TikTok, ni sur Instagram. Elle doit suivre son cours libre de toute pression populaire. En rejetant la présomption d’innocence, c’est la justice pour tous que nous affaiblissons. En refusant à Nabou Lèye le droit de vivre, c’est notre propre dignité collective que nous bafouons.
Nabou Lèye n’est pas encore jugée. Elle est libre, non pas grâce à une faveur occulte, mais en vertu d’un principe fondamental du droit. Elle a le droit de respirer, de sourire, de vivre. Nous devons cesser de jouer aux juges et bourreaux. La justice doit suivre son cours sans être déformée par l’émotion ou manipulée par la rumeur.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Eve Sagna.
Mis en ligne : 25/06/2025
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