Le communiqué d’Amina Dieng, candidate à la présidence de la Commission du football féminin, sonne comme une sirène d’alarme : intimidations, chantage, promesses de postes et même instrumentalisation du tribalisme pollueraient le scrutin prévu dimanche. Sous des dehors policés, l’élection est déjà minée par des réseaux qui refusent de lâcher le contrôle d’un secteur en pleine croissance. Si ces manœuvres ne sont pas stoppées net, elles condamneront le football féminin sénégalais à la défiance et à la marginalisation.
Depuis cinq ans, la Fédération sénégalaise (FSF) multiplie les annonces : création d’une D1 féminine, aides aux clubs, et même projet d’académie nationale. Mais derrière les projecteurs, les vieilles pratiques clientélistes perdurent ; plusieurs dirigeantes témoignent d’un « paternalisme déguisé » où les décisions clés restent entre quelques mains masculines. Amina Dieng, cheville ouvrière du programme Amina Vision 2025, réclame que « le football féminin soit dirigé par celles qui le vivent », un mot d’ordre rapidement combattu par les apparatchiks régionaux. Dans la sous-région, la dérive n’est pas nouvelle : la Nigeria Women’s Football League a frôlé la faillite en 2024 faute de gouvernance claire, et les clubs réclament toujours un audit indépendant.
Ces tactiques d’influence ne relèvent pas de l’anecdote ; elles s’inscrivent dans une crise mondiale de crédibilité. L’Espagne, championne du monde 2023, a dû limoger son président Luis Rubiales après un geste sexiste qui a révélé la toute-puissance de clans masculins au sommet de la fédération. Hier encore, la Haute Cour espagnole confirmait la condamnation de Rubiales, un rappel brutal que l’impunité a ses limites. Au Cameroun, Samuel Eto’o est empêtré dans des soupçons de favoritisme et de finances opaques, pendant que les clubs féminins accumulent les arriérés de primes. Ces exemples montrent la même mécanique : quand les fédérations ferment les yeux, la suspicion gangrène tout, des vestiaires aux gradins.
Premièrement, la manipulation électorale détruit la confiance, valeur fondamentale d’un sport encore fragile. Sans transparence, sponsors et bailleurs se détourneront ; or le budget des clubs féminins dépend à plus de 70 % de financements extérieurs. Deuxièmement, ces procédés perpétuent un ordre patriarcal : en écartant une candidate jugée « trop indépendante », on envoie le message que les femmes peuvent jouer… mais pas décider. Troisièmement, l’absence de compétition loyale tue l’ambition sportive : quel entraîneur investira dans la formation si les résultats administratifs comptent plus que la performance ? Enfin, l’image du Sénégal, souvent cité en exemple pour ses Lionnes de la Teranga, risque d’être ternie sur la scène internationale, exactement comme l’a été celle de la RFEF en Espagne.
Le scrutin de dimanche n’est pas un simple vote corporatiste ; c’est un référendum sur la dignité et l’avenir du football féminin. Si les autorités sportives et le ministère des Sports refusent d’assurer une surveillance indépendante, si la société civile reste silencieuse, alors la discipline sombrera dans une crise durable, faite de soupçons permanents et de fuites de talents.
Les clubs doivent dénoncer publiquement toute pression, les supporters à exiger un dépouillement filmé et la FSF suspendre immédiatement tout membre impliqué dans des actes d’influence. Ne laissons pas un sport porte-étendard d’émancipation être confisqué par des intérêts obscurs : l’heure est venue de défendre, bec et ongles, l’intégrité du football féminin sénégalais.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Matar Diallo.
Mis en ligne : 26/06/2025
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