À Touba, cœur battant du mouridisme, lieu de spiritualité et de dévotion, l’arrestation de Serigne Nar Ka Badar alias « Borom Jaro Bi » pour trafic de drogue dure est un coup de tonnerre. Connu sur les réseaux sociaux pour ses vidéos virales et ses supposés « miracles », ce marabout autoproclamé a été pris en flagrant délit de réception d’un colis de crack. Ce fait divers n’a rien d’anodin : il révèle une réalité plus grave, plus insidieuse. Celle d’une trahison de la foi, d’une exploitation honteuse de la crédulité populaire par des figures religieuses qui souillent l’honneur d’une tradition millénaire.
La communauté mouride, comme bien d’autres au Sénégal, accorde une place sacrée aux guides religieux. Leur parole inspire, leur présence rassure, leur exemple est censé élever les fidèles. Mais que reste-t-il de cette noblesse spirituelle lorsque certains se servent de leur statut pour masquer des activités criminelles ? Serigne Nar Ka Badar n’est pas un simple délinquant. Il est l’incarnation de cette hypocrisie moderne : celle des faiseurs de miracles qui abusent de leur aura religieuse pour asseoir une influence toxique.
Derrière la façade pieuse, les vidéos TikTok et les chapelets affichés avec ostentation, c’est un trafic mortifère qui se trame. En jouant avec la foi, cet homme ne s’est pas seulement moqué de la justice : il a trahi des milliers de croyants qui le suivaient, le consultaient, lui confiaient leurs angoisses et leurs espoirs.
Le cas de « Borom Jaro Bi » ne doit pas être isolé. Ce genre de dérives prospère dans un contexte où l’impunité, le culte de la personnalité et la faiblesse de la régulation religieuse cohabitent. Combien sont-ils, ces marabouts autoproclamés, qui se servent des réseaux sociaux comme amplificateurs de leur imposture ? Combien monnayent des « talismans », des « bénédictions », pendant qu’en coulisse ils trempent dans des activités aussi sordides que le trafic de drogue, le blanchiment d’argent ou les abus sexuels ?
L’arrestation de Serigne Nar Ka Badar doit être le point de départ d’un nettoyage salutaire. Il est temps de séparer clairement le spirituel du charlatanisme. À défaut, la société sénégalaise verra son tissu moral continuer à se déchirer sous les coups de boutoir d’individus qui prostituent la religion pour leur enrichissement personnel.
Dans d’autres pays où les autorités prennent au sérieux la protection du domaine religieux, des actions fortes sont posées. En Arabie saoudite ou en Iran, la moindre instrumentalisation de la foi à des fins personnelles ou illégales est durement sanctionnée. Au Sénégal, il est temps de sortir de cette posture frileuse qui hésite à poursuivre les faux marabouts de peur de froisser des sensibilités. Respecter la foi, ce n’est pas fermer les yeux sur les imposteurs ; c’est les dénoncer haut et fort.
Ce combat n’est pas celui de la justice seule. Il doit être porté par les véritables autorités religieuses, par les fidèles, par les familles. Il faut oser dire non à ceux qui travestissent la foi, qui exploitent la misère sociale et psychologique de la population pour se bâtir un empire de mensonges. La foi est un trésor ; qu’elle ne devienne pas le refuge des escrocs.
Aujourd’hui, que chaque Sénégalais cesse d’idéaliser les figures religieuses sans discernement. Que les guides religieux prennent leurs responsabilités. Et que l’État, enfin, montre qu’il n’y a pas de zone d’impunité quand il s’agit de criminalité déguisée en piété.
Assez de silence, assez de complicité. Trop, c’est trop. La foi mérite mieux.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Salif Ndiaye.
Mis en ligne : 27/06/2025
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