Gbagbo et Soro : Victimes d'une Cour africaine impuissante - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Afrique | Par Maimouna | Publié le 28/06/2025 11:06:00

Gbagbo et Soro : Victimes d'une Cour africaine impuissante

Jeudi 26 juin 2025, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) a rejeté les recours de Laurent Gbagbo et de Guillaume Soro. Cette double fin de non‑recevoir n’est pas un simple épisode procédural : c’est le symptôme d’une institution qui, sous couvert de technicité juridique, sert davantage les appareils d’État que les citoyens qu’elle est censée protéger. C’est depuis ce constat, volontairement offensif, que s’articule la présente tribune.

Créée en 2004 pour compléter la Charte africaine des droits de l’homme, la CADHP devait être le rempart continental contre les abus étatiques. Pourtant, la quasi‑totalité de ses États membres rechigne à exécuter ses arrêts, quand ils ne se retirent pas purement et simplement de sa compétence : Rwanda (2016), Tanzanie (2019), Côte d’Ivoire (2020) et Bénin (2020) ont tous dénoncé la clause qui autorise les individus à saisir la Cour.

Dans l’affaire Soro, les juges invoquent l’absence « d’épuisement des voies internes ». Or chacun sait que l’ancien Premier ministre vit en exil depuis cinq ans et que ses partisans sont emprisonnés ; exiger qu’il revienne se livrer à la justice ivoirienne relève de la mauvaise foi. Même logique dans le dossier Gbagbo : faute de preuves « suffisantes », sa radiation électorale est entérinée, bien que la Cour eût ordonné l’effet inverse en 2020. Ces volte‑faces, qui masquent une frilosité politique, alimentent une jurisprudence à géométrie variable où la forme prime sur la défense réelle des droits.

Sélectivité procédurale : la CADHP déboute régulièrement les opposants sur des questions de recevabilité alors qu’elle « oublie » d’appliquer la même rigueur quand les États demandent des délais ou des exceptions de procédure, comme récemment la Tanzanie dans une affaire sur les droits électoraux des prisonniers.

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Absence de coercition : aucune sanction n’est prévue contre les gouvernements qui ignorent ses décisions. Le pouvoir ivoirien n’a jamais réintégré Gbagbo sur les listes électorales malgré l’ordre de 2020 ; la Cour n’a rien entrepris pour faire respecter son propre arrêt.

Retrait sans conséquence : l’institution accepte passivement que des États claquent la porte lorsqu’un arrêt leur déplaît, sapant ainsi l’universalité qu’elle revendique.

Effet d’inertie : loin de créer un précédent protecteur, chaque acquittement des autorités en place conforte les régimes voisins dans l’idée qu’ils peuvent contourner la justice régionale en toute impunité.

Là où la Cour européenne (CEDH) ou la Cour interaméricaine infligent des dommages‑intérêts substantiels et publient des listes de « non‑exécution » pour faire pression, la CADHP se contente d’avis dépourvus de force contraignante. Résultat : l’Afrique reste l’unique continent où un tribunal régional peut être déserté par les États sans perdre la face diplomatique.

Amnesty International dénonce depuis 2020 la « débâcle » des mécanismes africains de protection des droits, pointant le refus systématique des gouvernements de se conformer aux arrêts et le sous‑financement chronique imposé à la Cour.

Tant que la CADHP persistera à protéger sa relation avec les chancelleries plutôt que les victimes, elle trahira son mandat et contribuera au recul démocratique du continent. La société civile, les barreaux africains et les partenaires internationaux doivent exiger  : conditionnalité des aides à l’exécution des arrêts, sanction diplomatique des États défaillants, et réforme du protocole pour rendre ses décisions obligatoires. Ce n’est qu’au prix de cette pression collective que la Cour cessera d’être le paravent juridique des puissants et deviendra enfin la sentinelle des peuples.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Cheikh Niang.
Mis en ligne : 28/06/202
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