Le récent placement sous bracelet électronique de plusieurs agents des Impôts et des Domaines a mis le feu aux poudres : le SAID crie à « l’humiliation collective » et menace de paralyser l’administration fiscale. Derrière ce fait divers se cache une réalité criante : dans notre pays, les petits fonctionnaires paient cash tandis que les vrais pilleurs de caisses publiques s’offrent immunités, cautions dorées ou non‑lieu.
Depuis l’alternance de 2024, la nouvelle équipe promet une « tolérance zéro » vis‑à‑vis des détournements. Certes, cinq ex‑ministres de l’ère Sall viennent d’être inculpés pour avoir siphonné des fonds Covid ou des programmes sociaux, mais déjà certains respirent l’air libre sous caution, loin de tout bracelet infâmant. Et souvenons‑nous : l’affaire Aliou Sall, 10 milliards de dollars de pétrole envolés, a été purement classée sans suite.
Pourquoi ces fiscalistes, accusés au mieux d’« excès de zèle » dans le recouvrement, se retrouvent‑ils marqués comme des présumés délinquants alors que les véritables délinquants à col blanc négocient tranquillement leur liberté ? La réponse est politique : frapper l’agent de base coûte moins cher qu’ouvrir de véritables dossiers, lesquels menaceraient des parrains encore puissants. La justice spectacle choisit la cible la moins dangereuse, offre un trophée au public, puis retourne à son silence coupable.
Violation de la présomption d’innocence : un bracelet avant même la preuve fait peser une présomption de culpabilité sur des agents qui n’ont fait qu’appliquer la loi fiscale.
Deux poids deux mesures : Salimata Diop, mise en examen pour 4 milliards de FCFA, rentre chez elle après un chèque de 60 millions ; les inspecteurs, eux, restent géolocalisés 24h/24 pour des faits non établis.
Signal délétère au service public : quel jeune juriste acceptera encore d’entrer à la DGID s’il risque le bracelet pour avoir voulu faire payer un gros contribuable ?
En France, l’ex‑ministre Cahuzac, condamné pour fraude fiscale, s’est vu octroyer un bracelet… mais après jugement définitif et pour éviter la cellule ; ici, on l’utilise comme châtiment anticipé.
Au Brésil, l’opération « Lava Jato » a envoyé un ancien président derrière les barreaux ; en Italie, l’ex‑maire de Rome a dû quitter la scène pour des marchés truqués. À Dakar, l’ex‑ministre détourne des milliards, plaide la maladie et signe sa sortie. La sévérité envers les agents fiscaux apparaît donc comme l’exception qui confirme une règle d’indulgence envers les élites.
Le bracelet placé sur un collecteur d’impôts n’est pas qu’un objet électronique : c’est le symbole d’un système qui protège les corrupteurs et écrase ceux qui les traquent. Si nous laissons passer cette dérive, demain ce sont les enseignants, les infirmières ou les policiers intègres qui seront cloués au pilori pour masquer l’impunité des puissants.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Mamadou Diop.
Mis en ligne : 28/06/2025
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