Venise, ville fragile posée sur l’eau, vient d’être transformée en décor de super-production pour les trois jours de mariage de Jeff Bezos et Lauren Sánchez, un événement à 40 millions d’euros escorté de 95 jets privés et de yachts géants. Une extravagance qui illustre la dérive d’un capitalisme où l’argent achète tout – y compris le silence des autorités et la confiscation de l’espace public.
Venise n’est pas qu’une carte postale : c’est un site classé à l’UNESCO, déjà menacé par l’acqua alta et par un tourisme de masse qui pousse ses habitants hors de la ville. En 2023, la lagune a connu la plus haute marée depuis cinquante ans, rappelant son extrême vulnérabilité au changement climatique. C’est précisément ici que Greenpeace, rejoint par des collectifs locaux, dénonce ce « mariage du siècle » comme l’emblème d’un modèle hyper-capitaliste destructeur.
Le contraste est saisissant : l’ex-patron d’Amazon dépense 40 millions pour une fête mais ne verse, selon les autorités, qu’un maigre don d’un million d’euros à la recherche sur la lagune – moins de 0,0005 % de sa fortune estimée à 215 milliards de dollars. Pendant que les invités paradent en gondoles privatisées (près de 30 % de la flotte vénitienne réquisitionnée), les Vénitien·ne·s essuient loyers prohibitifs et bas salaires.
Empreinte carbone délirante. Les 95 jets attendus pour l’occasion symbolisent un mode de vie qui, à lui seul, alimente la crise climatique : les vols privés au départ des États-Unis représentent plus de la moitié des émissions mondiales de jets d’affaires.
Dislocation sociale. Tandis que Bezos sabre le champagne au Cipriani, des centaines d’employé·e·s Amazon multiplient débrayages et piquets pour réclamer des pauses décentes et des salaires dignes. Ce grand écart entre l’élite et la base alimente un ressentiment légitime.
Captation de l’espace public. La privatisation de l’Arsenal, des palazzi et même des voies d’eau rappelle qu’à un certain niveau de richesse, la cité historique devient décor privatisable, reléguant habitants et touristes ordinaires derrière des cordons de sécurité.
On se souvient du mariage de George Clooney en 2014 : accueilli avec curiosité mais sans hostilité. Cette fois, la colère gronde, preuve que la conscience écologique et sociale a mûri. Même l’icône glamour Leonardo DiCaprio, convié, apparaît ici comme figurant d’une super-production déconnectée de la réalité.
Le mariage Bezos n’est pas une anecdote people ; il incarne la logique d’un système où l’argent déshumanise les lieux, confisque la parole et aggrave l’urgence climatique. Une réponse politique plus ferme est nécessaire : taxation équitable des ultra-riches, encadrement drastique des vols privés et défense du droit des habitants à leur ville. La planète ne se privatise pas.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Kévin Ndiaye.
Mis en ligne : 28/06/2025
—
La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.
