Face cachée du succès spatial : Satellite GAINDESAT-1B - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - High-Tech | Par Eva | Publié le 04/07/2025 03:07:00

Face cachée du succès spatial : Satellite GAINDESAT-1B

L’annonce du montage du satellite sénégalais GAINDESAT-1B à Montpellier, relayée avec fierté par le Professeur Gayane Faye, Coordonnateur de SENSAT, a suscité une vague d’enthousiasme dans les milieux scientifiques et politiques. Ce projet, présenté comme une étape décisive vers la souveraineté technologique du Sénégal, mérite toutefois une lecture plus nuancée.

Car derrière les discours triomphalistes se cache une réalité moins glorieuse : le Sénégal reste technologiquement dépendant, et ce satellite pourrait bien n’être qu’une façade flatteuse d’une autonomie encore largement illusoire.

Loin de Dakar, c’est à Montpellier, en France, que se déroulent les principales opérations de montage du satellite GAINDESAT-1B. Une équipe sénégalaise y est mobilisée, mais dans un cadre et avec un encadrement étrangers. Ce simple fait illustre l’un des paradoxes majeurs de ce projet : il est national dans son ambition, mais international dans sa mise en œuvre. La participation d’ingénieurs et techniciens sénégalais est une avancée notable, certes, mais elle s’inscrit encore dans une logique d’apprentissage dépendant, encadré par des structures étrangères.

Peut-on vraiment parler de souveraineté lorsqu’un pays ne maîtrise pas encore les chaînes de production, les plateformes de lancement, ni même l’intégralité du design technologique de ses propres satellites ? À ce jour, aucun composant essentiel de GAINDESAT-1B n’est fabriqué localement. Le Sénégal ne dispose pas non plus de centre de lancement spatial autonome ni de moyens de production électronique adaptés. L’exploitation des données spatiales, pourtant évoquée comme un gain stratégique, dépendra encore de logiciels, d’expertises et d’outils dont le développement reste dominé par des puissances étrangères. Le mythe de l’autonomie s’effrite à mesure qu’on gratte la surface de la communication officielle.

Dans un pays où les défis fondamentaux demeurent, santé publique, éducation, accès à l’eau, emploi des jeunes, les investissements dans le domaine spatial posent également une question de priorité. Développer une capacité spatiale sans assurer un écosystème scientifique et technologique robuste sur le plan national, c’est bâtir une maison sans fondations. Le Sénégal consacre à peine 1 % de son PIB à la recherche et au développement, loin des seuils nécessaires pour soutenir une véritable indépendance scientifique.

Prenons l’exemple du Nigeria, qui a développé plusieurs satellites (NigSat-1, NigComSat-1R) tout en misant sur le transfert de technologie, la formation locale et la mise en place d’infrastructures nationales. Malgré cela, le pays continue de dépendre largement de partenaires étrangers pour les lancements, la maintenance, et même certaines analyses de données. Le Sénégal, bien moins avancé, risque fort de tomber dans le même piège : être fier de porter un drapeau national dans l’espace, tout en restant ancré à terre par des chaînes de dépendance invisibles.

Le lancement du satellite GAINDESAT-1B est une prouesse technique à saluer, mais elle ne doit pas faire illusion. Tant que le Sénégal n’investira pas massivement dans ses infrastructures de recherche, dans la formation de ses scientifiques, et dans le développement de ses propres technologies, la souveraineté spatiale restera une ambition davantage politique que réelle. Le véritable défi n’est pas de placer un objet en orbite, mais de sortir du cercle vicieux de la dépendance technologique. La maîtrise du ciel ne peut faire oublier nos fragilités sur terre.

Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Fatma Thiam.
Mis en ligne : 04/07/2025

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