Je ne pensais jamais écrire ces mots. Encore moins les partager. Mais il y a des vérités qu’il faut sortir de l’ombre, non pas pour accuser, mais pour libérer. Pour guérir. Ce que j’ai vécu, beaucoup d’autres jeunes filles l’ont enduré. En silence. Par peur. Par honte. Parce qu’au Sénégal, l’inceste n’est pas seulement un crime, c’est une malédiction dont on ne parle pas, ou à demi-mot.
J’avais 13 ans. Mon oncle, celui que je considérais comme un deuxième père, a brisé quelque chose en moi. Ce n’était pas la violence des coups, mais celle du silence qui a suivi, qui m’a le plus marquée. Ma mère n’a rien dit. Ma tante a baissé les yeux. La famille a fermé les rideaux. « Il ne faut pas salir le nom de la maison. » Voilà ce qu’on m’a répondu quand j’ai voulu crier.
Dans notre société, la famille est sacrée. Trop sacrée, peut-être. À tel point que les crimes les plus ignobles peuvent s’y cacher sans jamais être dénoncés. L’inceste, ce mot que personne n’ose prononcer à haute voix, gangrène des foyers entiers. Et ce n’est pas une question de ville ou de village, de classe ou de niveau d’instruction. C’est une question de loi du silence.
Je parle aujourd’hui parce que je n’ai plus peur. Et parce que je ne veux plus qu’une autre fille se taise comme je me suis tue. Nous avons trop longtemps protégé les bourreaux au détriment des victimes. Trop longtemps préféré « régler ça en famille » au lieu de chercher justice.
Je sais que beaucoup ne me croiront pas. D’autres me diront que je cherche à salir l’image des hommes, de la famille, du Sénégal. Mais je ne parle pas pour eux. Je parle pour celles qui, chaque nuit, se demandent si elles méritent ce qu’elles vivent. Je parle pour celles qui, chaque matin, croisent leur agresseur à la table du petit-déjeuner.
Il est temps que la société sénégalaise regarde ce fléau en face. Que la justice ose franchir les murs des maisons. Que les écoles, les mosquées, les daara, les associations de quartier aient le courage d’en parler. Sans honte. Sans peur. Avec la force qu’impose la vérité.
L’inceste n’est pas une histoire de rumeurs ou de familles en disgrâce. C’est une réalité. Une douleur. Et parfois, une vie entière à reconstruire. Moi, j’ai mis dix ans à comprendre que ce n’était pas ma faute. Dix ans pour me pardonner de m’être tue. Il ne doit pas en falloir autant aux autres.
Brisons le silence. Pour nos filles. Pour nos sœurs. Pour nous-mêmes.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Anonyme.
Mis en ligne : 09/07/2025
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