Dans un article publié récemment, l’économiste Pr Amath Ndiaye de la FASEG-UCAD affirme que l’Etat du Sénégal dispose des moyens structurels pour payer les salaires des fonctionnaires en 2025. Il s’appuie sur un ratio salaires/recettes fiscales de 36,2 %, encore en dessous du seuil critique international de 40 %. S’il rassure sur la solvabilité de l’État, il admet tout de même l’existence de tensions de trésorerie ponctuelles.
En apparence encourageant, ce constat masque cependant une réalité plus préoccupante. Car derrière les pourcentages et les prévisions se cache une gestion financière de l’Etat qui soulève de sérieux doutes.
Depuis plusieurs années, les citoyens assistent à une multiplication des grèves, retards de paiements aux prestataires, et reports de projets d’investissement. Le climat économique est plombé par un endettement en hausse et un appareil administratif hypertrophié. L’arrivée au pouvoir du président Diomaye Faye, bien que porteuse d’espoir pour une rupture, n’a pas encore entraîné une réforme budgétaire significative ni une réorientation visible des priorités.
Le ratio salaires/recettes fiscales de 36,2 % peut paraître soutenable sur le papier, mais il ne suffit pas à dissiper les incertitudes. D’abord, il reflète une charge salariale croissante, dans un contexte où les recettes fiscales, bien qu’en progression, reposent encore sur une assiette étroite, vulnérable aux chocs économiques. Ensuite, les « tensions de trésorerie ponctuelles » évoquées ne sont pas anodines : elles traduisent un recours récurrent à l’endettement de court terme, par les Bons Assimilables du Trésor (BAT), signe d’une gestion fragile et peu prévisible.
L’Etat du Sénégal a montré à maintes reprises des lacunes dans la gestion de ses ressources. Des audits de la Cour des Comptes ont révélé des irrégularités dans la gestion du Fonds de riposte contre le Covid-19, avec des dépenses non justifiées, des surfacturations, et des marchés octroyés sans transparence. À cela s’ajoute un train de vie étatique inchangé : véhicules de luxe, missions à l’étranger répétitives, institutions budgétivores sans réelle efficacité… Cette dérive budgétaire alimente les doutes sur la capacité de l’Etat à faire des choix courageux et rationnels pour renforcer sa résilience financière.
Des pays comme le Ghana ou la Zambie ont connu des crises similaires. Bien qu’ils aient affiché pendant longtemps des ratios salariaux jugés soutenables, ils ont fini par faire face à des défauts de paiement ou à des pressions du FMI pour revoir drastiquement leur politique de dépenses. Le Sénégal, sans correction structurelle de ses pratiques de gestion, pourrait se retrouver sur cette pente.
Rassurer sur la base de chiffres isolés ne suffit pas. Il faut examiner plus profondément la manière dont l’Etat du Sénégal gère ses finances. Les citoyens attendent une transparence budgétaire réelle, une réduction des dépenses improductives et une meilleure priorisation des ressources publiques. Il ne s’agit plus seulement de savoir si les salaires seront payés en 2025, mais si l’État aura les moyens de faire face à ses engagements dans la durée, sans sacrifier l’investissement, la qualité des services publics et la confiance des contribuables.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Massamba Ndour.
Mis en ligne : 13/07/2025
—
La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.