Il y a un an, Dakar inaugurait avec faste le Bus Rapid Transit (BRT), un projet présenté comme une révolution pour la mobilité urbaine dans la capitale. À l’occasion de son premier anniversaire, Dakar Mobilité, en charge de l’exploitation du service, a dressé un bilan qualifié de « satisfaisant » : 18 millions de passagers transportés, 60 000 voyageurs quotidiens en semaine, et une exposition photo immersive célébrant les acteurs de ce nouveau mode de transport.
Pourtant, derrière les chiffres flatteurs et les portraits émouvants, une réalité moins reluisante se dessine. À y regarder de plus près, il devient nécessaire de s’interroger sur l’efficacité réelle du BRT et sur son impact concret dans la vie quotidienne des Dakarois.
Le BRT a vu le jour dans un contexte de congestion urbaine extrême, où les embouteillages interminables, les transports surchargés et la pollution rythmaient les journées des habitants. Conçu pour être une alternative moderne, écologique et rapide, le BRT devait symboliser le renouveau du transport public. Alimentés par des bus électriques et bénéficiant de voies dédiées, les espoirs étaient grands. Mais à mesure que le service se déploie, les failles du projet deviennent de plus en plus visibles.
Depuis le lancement du BRT, si le chiffre de 60 000 voyageurs par jour peut sembler impressionnant, il reste pourtant en deçà de la capacité initialement projetée. Pire encore, ce chiffre flatteur masque des réalités moins reluisantes : retards fréquents, arrêts non desservis, pannes techniques, et surtout une saturation chronique aux heures de pointe. Les files d’attente interminables, les bus bondés où il devient difficile de respirer ou même de se tenir debout, contredisent l’image de modernité et de confort tant vantée. Le BRT, censé soulager les usagers du chaos des transports classiques, devient parfois une nouvelle source de stress.
Malgré les portraits chaleureux de conducteurs et d’usagers exposés à l’Espace Vema, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer un service encore loin d’être optimal. L’espacement des bus sur certaines lignes crée des temps d’attente parfois comparables à ceux des cars rapides qu’il devait remplacer. En outre, le manque d’abris, d’indications claires, et de systèmes d’information en temps réel entame l’expérience utilisateur. À cela s’ajoute le fait que seule une fraction du réseau est en service (deux lignes sur quatre), limitant l’impact réel sur la mobilité globale.
Dans d’autres villes africaines comme Lagos ou Nairobi, les systèmes BRT ont rencontré les mêmes écueils : surcharge rapide, manque de maintenance, infrastructures incomplètes. Là où le modèle fonctionne mieux, comme à Bogotá ou Curitiba, c’est l’investissement dans la régularité, le confort et l’interconnexion multimodale qui fait la différence. À Dakar, ces éléments semblent relégués au second plan au profit d’une communication enthousiaste mais prématurée.
En célébrant son premier anniversaire avec autant de faste, Dakar Mobilité semble davantage préoccupée par son image que par l’amélioration concrète du service. Le BRT, malgré ses promesses, ne répond pas encore pleinement aux besoins des Dakarois. Plutôt que de s’en contenter, il faut recentrer les priorités : achever les lignes prévues, améliorer la ponctualité, garantir le confort des usagers, et offrir un service à la hauteur des attentes. Il ne suffit pas de transporter, il faut transporter dignement.
Les autorités doivent cesser de célébrer des projets à moitié réalisés et s’engager résolument dans une logique de performance, d’écoute des usagers et de transparence. Car une mobilité urbaine efficace ne se mesure pas en chiffres, mais en qualité de vie.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Sokhna Salima.
Mis en ligne : 14/07/2025
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