Le gouvernement sénégalais vient d’annoncer avec éclat un projet de loi sur le patriotisme économique, accompagné d’un fonds colossal de 1 000 milliards de FCFA destiné à soutenir les PME-PMI locales. Une annonce qui, au premier regard, pourrait séduire un public avide de justice économique et de souveraineté nationale.
Mais derrière les discours vibrants et les promesses grandiloquentes, se cache une réalité autrement plus sombre. Car il ne s’agit pas seulement de volonté politique, mais d’un système où l’opacité, la mauvaise gestion et la corruption ont trop souvent été la norme.
Ce n’est pas la première fois que l’État sénégalais met sur pied un fonds aux ambitions vertueuses. On se souvient encore du tristement célèbre Fonds Force-Covid-19, doté d’une enveloppe similaire et censé répondre aux urgences sanitaires et économiques de la pandémie. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?
Une série de rapports accablants de la Cour des comptes, des accusations de détournement, des marchés attribués sans transparence, et un silence assourdissant sur les suites judiciaires. Le peuple n’a jamais vu la couleur de cette « solidarité » nationale promise à coups de milliards. Comment alors faire confiance à une nouvelle manne financière quand aucune leçon ne semble avoir été tirée des errements passés ?
Dans sa communication, l’exécutif prétend vouloir soutenir les PME sénégalaises, renforcer la production locale, et protéger les secteurs stratégiques contre les prédations étrangères. Mais où sont les mécanismes de contrôle et de suivi concrets ? Qui pilotera ce fonds ? Quelles garanties auront les citoyens que les fonds ne finiront pas, une fois de plus, dans les poches d’une élite politico-affairiste ? Rien, dans l’annonce du Premier ministre, ne donne de gages sérieux de transparence, ni d’indépendance dans la gouvernance de ces ressources.
D’autres pays ayant opté pour une stratégie de souveraineté économique, comme le Rwanda ou le Maroc ont su établir des structures de suivi claires, faire appel à des audits indépendants, et engager la responsabilité des gestionnaires publics. À l’inverse, au Sénégal, chaque nouvelle politique semble être un prétexte à enrichir quelques initiés sous couvert de « développement national ». L’économie nationale est utilisée comme un écran de fumée pour camoufler l’accaparement des ressources publiques.
Le vrai problème n’est pas l’idée de patriotisme économique en soi. Ce concept peut être puissant s’il est mis au service du peuple. Mais dans un contexte où la gouvernance reste marquée par l’opacité, où les rapports d’audit sont enterrés ou ignorés, où les responsables échappent systématiquement à la justice, que vaut une telle promesse ? Le peuple n’est pas dupe : il a appris, à ses dépens, que l’espoir économique brandi par les gouvernants cache trop souvent des intérêts particuliers et une redistribution inégale des richesses.
Nous appelons à la vigilance citoyenne. Ce projet de loi ne doit pas être adopté sans débat public transparent. Le fonds annoncé ne doit pas être géré dans les couloirs feutrés des ministères, mais sous le regard attentif de la société civile, des journalistes, des parlementaires indépendants. Exigeons des audits réguliers, des comptes détaillés, des poursuites en cas de fraude. Car sans contrôle rigoureux, ce « patriotisme économique » ne sera qu’un nouveau mirage dans le désert des illusions politiques.
Assez des promesses non tenues. Assez des milliards engloutis sans résultats. Le peuple a droit à une gestion sobre, éthique et responsable de ses ressources. Et il faut de se battre pour l’obtenir.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Pape Diop.
Mis en ligne : 15/07/2025
—
La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.
