Vendredi dernier à Paris, Fousseynou Cissé a sauvé six personnes d’un incendie, risquant sa propre vie pour arracher des mères et des enfants à la mort. Son acte héroïque a été salué par les autorités, les médias et les réseaux sociaux.
Le ministère de l’Intérieur a annoncé qu’il recevrait la médaille pour acte de courage et de dévouement. Pourtant, derrière les projecteurs et les éloges de circonstance, cet élan de reconnaissance reste insuffisant et hypocrite tant qu’il ne s’accompagne pas d’une remise en question profonde du traitement réservé aux populations issues de l’immigration africaine en France.
Les histoires comme celle de Fousseynou Cissé, bien qu’admirables, ne doivent pas faire oublier le contexte dans lequel elles émergent. Dans les quartiers populaires, la jeunesse racisée est souvent stigmatisée, suspectée, marginalisée. Cissé, comme tant d’autres, évolue dans une société française où les discriminations systémiques sont omniprésentes, où l’on valorise ponctuellement des visages noirs ou arabes pour leur bravoure, tout en fermant les yeux sur les violences policières, les contrôles au faciès, les inégalités d’accès à l’emploi, au logement ou à la citoyenneté.
L’épisode de la médaille républicaine offerte à Fousseynou Cissé s’inscrit dans une tradition française d’intégration par le mérite, où il faut prouver sa valeur souvent par le sacrifice pour être considéré comme pleinement légitime dans la République. Ce phénomène n’est pas nouveau : on célèbre Mamoudou Gassama, qui a escaladé un immeuble pour sauver un enfant ; Lassana Bathily, qui a caché des otages lors des attentats de l’Hyper Cacher. Mais entre ces moments de gloire, combien d’histoires invisibles ? Combien de Fousseynou Cissé humiliés, discriminés, oubliés par l’État et les institutions ?
Récupération symbolique : Décorer un héros noir permet à l’État de redorer temporairement son image inclusive, sans rien changer aux réalités structurelles du racisme en France.
Invisibilisation du vécu : On célèbre l’acte, mais on passe sous silence l’origine sociale, les obstacles et les préjugés que ces héros affrontent au quotidien.
Manque de reconnaissance durable : Combien de héros décorés se voient offrir un emploi stable, une régularisation, ou un vrai soutien au-delà des caméras ? Trop peu.
Déséquilibre dans le récit républicain : Les jeunes des quartiers populaires sont régulièrement criminalisés dans les médias. Il faut un geste spectaculaire pour être reconnu comme citoyen modèle.
Dans d’autres pays, notamment au Canada ou en Suède, les communautés immigrées sont activement intégrées dans les sphères publiques, politiques et culturelles. On ne se contente pas de les applaudir lors d’actes exceptionnels : on leur offre des opportunités concrètes de contribuer pleinement à la société. En France, la reconnaissance ne survient qu’après le sacrifice ou l’exploit.
Fousseynou Cissé mérite notre admiration, mais surtout, il mérite mieux. Il mérite de vivre dans une société où sa vie compte sans qu’il ait à risquer la mort pour le prouver. Il faut que la France passe de l’émotion passagère à la justice durable. Célébrer un héros noir n’efface pas les injustices subies par tant d’autres. Si la République est vraiment reconnaissante, qu’elle le montre autrement que par une médaille.
Qu’elle s’engage à reconnaître la valeur des vies noires, dans les actes du quotidien, pas seulement dans les flammes d’un appartement.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Moussa Diallo.
Mis en ligne : 16/07/2025
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