Le président turc Recep Tayyip Erdogan a salué, ce samedi, le début symbolique du désarmement du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) comme une victoire nationale. S’adressant aux cadres de l’AKP à Ankara, il a vanté une « Turquie sans terrorisme » et esquissé une alliance tripartite avec son parti, le MHP ultranationaliste et le parti pro-kurde DEM. Mais derrière cet apparent apaisement historique se cache une manœuvre politique bien rodée.
Depuis près de cinquante ans, le conflit opposant l’État turc au PKK a coûté des dizaines de milliers de vies. Le désarmement annoncé marque une étape symbolique forte, illustrée par la destruction d’armes par une trentaine de combattants kurdes dans le nord de l’Irak. Toutefois, l’histoire récente de la Turquie nous enseigne que toute tentative de paix avec les Kurdes est étroitement surveillée et souvent récupérée politiquement.
Dans son discours, Erdogan n’a proposé aucun détail concret quant aux mécanismes de ce processus de paix. Seule la création d’une commission parlementaire a été évoquée. Cela témoigne moins d’un engagement structuré qu’une volonté de communication politique. Il semble que l’objectif principal soit de rassurer les franges nationalistes de l’électorat tout en nouant une alliance stratégique avec le parti DEM, longtemps marginalisé et criminalisé par le régime lui-même.
En s’associant au DEM, Erdogan cherche à élargir sa base politique pour compenser l’érosion de son électorat, affaibli par des crises économiques successives. Ce rapprochement soudain interroge : comment justifier une telle entente avec un parti longtemps stigmatisé comme « soutien au terrorisme » ?
En 2015, un processus de paix similaire avait été brutalement interrompu par Erdogan lui-même, lorsque le contexte électoral lui était défavorable. Il ne s’agit donc pas d’une première tentative, mais d’un schéma déjà éprouvé : utiliser la paix comme levier tactique, puis la suspendre dès qu’elle devient gênante.
La déclaration d’Erdogan évoquant une marche commune « AKP, MHP et DEM » sonne comme un signal d’alerte. Elle annonce la construction d’un nouveau front politique pour éventuellement modifier les règles du jeu institutionnel, voire ouvrir la voie à un maintien au pouvoir au-delà de 2028, année théorique de la fin de son mandat.
Des régimes autoritaires ont souvent employé les processus de paix à des fins personnelles. En Russie, Vladimir Poutine a utilisé la guerre en Tchétchénie et ses résolutions pour renforcer le pouvoir central. En Afrique, certains chefs d’État ont entretenu des dialogues fictifs avec des groupes rebelles pour obtenir des rallonges constitutionnelles. Erdogan semble s’inscrire dans cette logique.
Le désarmement du PKK aurait pu être un tournant historique pour la Turquie. Mais en l’instrumentalisant pour cimenter une alliance politique et préparer peut-être une prolongation de son règne, Recep Tayyip Erdogan transforme une chance de paix en un outil de pouvoir. Une démocratie véritable ne se construit pas sur des manipulations stratégiques, mais sur la transparence, le respect des oppositions et la sincérité des engagements.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Anonyme.
Mis en ligne : 17/07/2025
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